OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les emplois au pifomètre du gaz de schiste http://owni.fr/2012/10/08/les-emplois-au-pifometre-du-gaz-de-schiste/ http://owni.fr/2012/10/08/les-emplois-au-pifometre-du-gaz-de-schiste/#comments Mon, 08 Oct 2012 14:02:09 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=121895

Voici deux mois qu’industriels et éditorialistes défendent le gaz de schiste à l’aide de promesses d’emplois complètement fantaisistes. Le “gisement de 100 000 emplois” que représenterait l’exploitation de ces hydrocarbures profonds est le deuxième argument favori (après l’indépendance énergétique) pour balayer d’un revers de calculatrice les risques environnementaux et sanitaires des méthodes brutales d’extraction qu’elle nécessite (la fracturation hydraulique). Mais si les réserves ont été évaluées à l’aide de méthodes et de données géologiques professionnelles, le potentiel social de cette industrie l’a été avec un outil mathématique de niveau CM2.

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Prédire l’avenir avec une règle de trois

L’évaluation la plus populaire sous nos climats éditoriaux est l’œuvre d’un rapport livré par la société Sia conseil. Cabinet de consulting en management, Sia compte parmi ses plus gros clients GDF Suez, partenaire de Schuepbach LLC sur deux permis d’exploration pour les gaz de schiste en France et leader du secteur. Son logo apparaît par ailleurs discrètement en pied de page de Gas in focus, “Observatoire du gaz naturel” autoproclamé, coédité par GRT Gaz, filiale à 75% du géant français des bonbonnes de propane.

Pour arriver à un bénéfice de 100 000 emplois directs et indirects grâce aux gaz de schiste, la société part d’un calcul savant portant sur les trois principaux permis du Sud de la France :

Le nombre de forages par concession ne peut pas excéder 30 forages de puits par an. Pour mémoire, aux Etats-Unis, certaines zones comportent plusieurs milliers de puits. Après avoir déterminé le profil de production d’un puits type, nous avons ensuite appliqué les niveaux d’emploi observés aux Etats-Unis sur les deux périodes de vie d’un puits : sur les trois premières années (forage), 13 personnes par puits sont nécessaires ; sur les vingt années suivantes (exploitation), il suffit de 0,18 personnes par puits. Les emplois indirects et induits représentent 1,52 emploi par puits. Nous avons retraité cette moyenne américaine des horaires de travail en France (2 080 heures annuelles aux Etats-Unis contre 1 650 en France, soit un facteur de 1,26).

Conclusion : la totalité des trois concessions représenterait un potentiel de 10 000 emplois à l’horizon 2010. Jusque là, l’analyse est fine et, sinon incontestable, efficacement argumentée.

Quand soudain, peut-être usés par la quantité de statistiques sociales brassées pour savoir combien de foreurs iraient percer le plateau du Larzac, les experts de Sia rangent leurs tableaux Excel et dégainent leur Casio :

Généralisées à la totalité des ressources françaises, ces exploitations créeraient 100 000 emplois d’ici 2020 dont 40 000 emplois industriels directs, dans une hypothèse maintenant les conditions d’exploitation retenues.

Le calcul n’est pas précisé mais nous avons pu reconstituer la formule ayant permis cette conclusion :

10% x Gaz de schiste en France = 10 000 emplois
Gaz de schiste en France = 10 000 emplois x 1/10% = 100 000 emplois

En d’autres termes, les experts de Sia conseil (jugeant que toutes les extractions de gaz de schiste sont les mêmes) se targuent de prédire l’avenir avec une règle de trois.

Fact checking

Si elle peut sembler “de bon sens”, cette idée selon laquelle “un puits est un puits” est techniquement fausse : piégé dans les roches de schiste, le gaz du même nom peut se trouver en fines couches entre 2 000 et 3 500 mètres de profondeur selon les bassins. Difficile d’imaginer qu’avec plusieurs centaines de mètres de différence, il faille autant de temps et de personnel pour forer à ces différents niveaux, selon qu’on soit en Languedoc ou en Lorraine. Et pour cause.

L’argument selon lequel les gisements seraient tous pareils sur le plan de l’emploi ne survit pas longtemps à l’analyse de l’exploitation effective des gaz de schiste aux Etats-Unis. Si la règle de trois employée par Sia conseil était juste et puisqu’elle se base sur les emplois nécessaires pour exploiter les ressources, le nombre d’emplois créés devrait être proportionnel à la production de chaque Etat.

En croisant les chiffres de production de l’Agence d’information sur l’énergie américaine et les calculs d’emplois par Etat de l’institut IHS, il apparaît clairement que les deux chiffres sont totalement décorrélés : avec deux fois moins de production, la Pennsylvanie revendiquait en 2010 près de deux fois plus d’emplois que l’Arkansas. Les deux Etats affichent cependant un bénéfice social combiné inférieur au Colorado… qui a extrait mille fois moins de gaz de schiste qu’eux en 2010 !

Autrement dit, la règle de trois s’avère un outil plutôt difficile à appliquer à une industrie dépendante d’une somme de facteurs aussi large que l’énergie.

Cela n’a cependant pas empêché cette estimation de se répandre comme une traînée de poudre, ni d’autres du même calibre mathématique. Le groupement patronal britannique Institute of Directors a ainsi fait sensation le 21 septembre en annonçant un potentiel de 35 000 emplois dans l’exploration-production des gaz de schiste. Le rapport Britain’s shale gas potential sur lequel repose ce coup de com’ expose cependant clairement sa méthode pour arriver à ce chiffre à partir d’une estimation d’une hausse de 8 % de la production grâce à ces hydrocarbures :

L’industrie gazière et pétrolière britannique assure directement et indirectement l’emploi de 440 000 personnes. En supposant que l’emploi soit directement proportionnel à la production, alors une hausse de 8 % de la production de 2011 générerait un gain de 35 000 emplois, aidant à contrecarrer les pertes liées au déclin de la production conventionnelle de pétrole et de gaz au Royaume-Uni.

Ce postulat du “tous pareils” est également à l’origine de deux estimations du think tank Iref Europe. L’auteur de l’article, qui présente un potentiel de 42 000 à 62 000 emplois, a cependant l’honnêteté de reconnaître “les limitations statistiques” de la règle de trois.

Promesses

Avant la mise en exploitation des grands gisements du Nord-Est et du Sud des Etats-Unis, des promesses d’emplois toutes aussi alléchantes avaient été formulées par les industriels. En mai 2011, un rapport était repris par le quotidien Patriot News estimant à 48 000 emplois le nombre d’embauches réalisées en 2010 grâce au développement des gaz de schiste en Pennsylvanie. Signé par le département Travail et Industrie de l’Etat, le document semblait au dessous de tout soupçon.

Le mirage social du pétrole guyanais

Le mirage social du pétrole guyanais

Défendue par les élus locaux et la compagnie Shell à coup de chantage à l'emploi, l'extraction de pétrole au large de la ...

A ceci prêt que le terme d’embauche n’est pas synonyme de “création d’emploi“, une nuance relevée par l’institut Keystone, dans le même rapport ! Les “embauches” remplacent en effet parfois des départs en retraite, des licenciements ou des démissions, sans augmenter le nombre total d’emplois pourvus dans la zone. Le bénéfice “réel” pour l’emploi serait en fait de 10 000 personnes sur trois ans (2008 à 2010), ce qui pèse pour moins de 10% de la hausse de l’emploi industriel dans l’Etat, selon la même source.

Avec plus de 24 000 emplois directs au 2e trimestre 2012 dans les industries extractives, la France dispose déjà de professionnels dans les différents corps de métier nécessaires au développement des gaz de schiste. Comme pour la Guyane, de nombreuses opérations de prospection sismique ou de forage mobilisent pendant un temps limité des équipes de spécialistes qui repartent aussitôt le travail fini avec leur coûteux matériel, sans créer d’autre richesse sur le territoire que celle liée à leurs besoins quotidiens.

De quoi sauver une filière, peut-être. Mais pas de quoi s’attendre à un autre boom que celui qui fait trembler le sous-sol lors de la fracturation hydraulique.


Photo par Arimoore [CC-by-nc-sa] via Flickr

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Le mirage social du pétrole guyanais http://owni.fr/2012/07/20/petrole-guyane-offshore-shell-total-emploi/ http://owni.fr/2012/07/20/petrole-guyane-offshore-shell-total-emploi/#comments Fri, 20 Jul 2012 08:55:00 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=116145

Au large de l'Angola, le groupe Total exploite le gisement Girassol a 1400 metres de profondeur. Un record mondial pour une plate-forme off-shore. Reportage réalisé en 2005. ©Hélène David/Collectif Argos/Picture Tank

Le projet de forage pétrolier au large de la Guyane ne sortira pas de son marasme social le département ultramarin. Confirmée le 22 juin, l’autorisation de travaux pour les recherches d’hydrocarbures sous le plancher océanique était défendue par les élus locaux comme capable de dynamiser la région frappée d’un taux de chômage supérieur à 20%. Or, une fois les déclarations du PDG de la société Shell et les détails des opérations passées en revue, il n’y a guère à espérer plus de quelques centaines d’emplois locaux sur les 19 600 Guyanais qui en cherchent toujours.

Aucune garantie

Le premier poste de création d’emploi possible, c’est la plate-forme elle-même. Loué par Shell pour le compte du consortium, où sont également présents Statoil et Total, le bateau de forage Stena Icemax nécessite selon Shell deux équipes tournantes de 70 personnes ainsi qu’une vingtaine de personnes à terre pour fonctionner en phase d’extraction. Interrogé par le quotidien régional France Guyane en décembre 2011, le PDG de Shell France (filiale du géant anglo-néerlandais créé pour l’occasion) laissait entrevoir la possibilité de salarier une majorité de locaux :

Le président de Shell France s’y est engagé : “La priorité sera toujours locale à compétence égale.” [...] Reste donc à mettre en place les formations et les infrastructures ad hoc. Si c’est le cas, Shell pourrait mener en Guyane la même politique qu’aux Philippines où elle exploite du pétrole avec 75% d’emplois locaux.

A l’occasion de son audition devant le Sénat le 30 mai 2012, Patrick Roméo a quelque peu précisé les modalités d’embauche des Guyanais, lesquelles sont notamment conditionnées par des expériences préalables sur d’autres sites :

Il faut une qualification spéciale pour les emplois sur la plateforme, et notamment l’exigence de parler anglais. Il en découle la nécessité de formations. Shell a ainsi proposé de mettre en place un programme de formation assorti de recrutements, par des entreprises spécialisées dans le secteur pétrolier, qui pourraient s’engager à recruter progressivement quelques dizaines, voire plusieurs centaines de personnes et à les former pendant les quatre à cinq ans à venir sur des activités pétrolières déployées ailleurs dans le monde. Les personnes concernées pourraient ensuite revenir en Guyane avec les qualités requises, à l’occasion du démarrage d’une exploitation.

Un bémol auquel s’ajoutent les conditions d’embauche dans un secteur très concurrentiel sur le coût de main d’oeuvre, “pas sûr que les Guyanais acceptent de travailler aux salaires de base sur les plate-formes que proposera Shell”, commente un spécialiste du secteur.

Le FPSO (floating production,storage and offloading), une barge de 300 metres de long pour pomper, stocker, transvaser le petrole a bord de super-tanker. ©Hélène David/Collectif Argos/Picture Tank - 2005 -

Les 160 emplois directs liés à la plate-forme ne sont cependant prévus que pour la phase d’exploitation qui devrait débuter, si les réserves sont confirmées, en 2019. En amont, le patron de Shell France évoque 25 emplois en cours de création et 60 indirects pour la phase exploratoire. En complément des emplois directs, la majeure partie des emplois “induits” relèvent des “oil field services”, les services à l’entretien et à l’approvisionnement technique et quotidien de la plate-forme.

Pour la phase exploratoire et l’imagerie sous marine, la société française CGGVeritas, spécialisée dans les travaux géophysiques a été désignée explicitement par le PDG de Shell. Un technicien d’une entreprise de service d’exploration détaille la mission d’un tel sous traitant :

Une mission peut durer de quinze jours à deux mois mais mobilise tout au plus un bateau ou deux avec une poignée de salariés spécialisés. Il n’y a pas d’emplois créés : une fois le travail fini, les experts repartent sur une autre mission et les images sont envoyées à un centre d’imagerie.

Une fois l’exploitation engagée, le leader des services aux plate-formes offshore Bourbon pourrait prendre en charge la gestion de l’approvisionnement et de la maintenance en mer, l’entreprise assurant déjà cette tâche pour les sites d’extraction pétrolière de Shell au large des côtes africaines. Contactés par Owni, Bourbon et CGGVeritas n’ont pas souhaité évoquer leurs engagements auprès de la compagnie pétrolière. Un spécialiste du secteur pétrolier maritime chiffre l’intégralité des équipes à terre et en mer pour ce type d’opération à “200 personnes, maximum”.

Si on ajoute à ces effectifs les “créations d’emplois induites”, évaluées par le patron de Shell lors de son audition à “un pour un” par rapport aux salariés de la plate-forme, les retombées de l’activité d’extraction pourraient en 2019 atteindre 500 emplois dans tout le département. “M. Roméo ne nous a donné aucune garantie sur la proportion de ces salariés qui pourraient venir de Guyane, insiste la sénatrice Europe écologie-Les Verts Aline Archimbaud, membre de la Commission chargé du département d’Outre-Mer. Il y a plus de potentiel dans l’agriculture et dans le secteur forestier…”

Sur le bateau-plateforme offshore au large de l'Angola, où le groupe Total exploite le gisement Girassol a 1400 metres de profondeur. ©Hélène David/Collectif Argos/Picture Tank - 2005 -

Sauvetage

En aval de la plate-forme, la possibilité pour la Guyane de raffiner voire de transformer le pétrole brut pouvait représenter une retombée positive en termes d’emplois. A ceci prêt que la Guyane ne dispose d’aucune capacité de raffinage propre et que celle de la France dans la région sont réduites à la consommation locale. Propriété du groupe Total à 50%, la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (Sara) ne dispose que de dépôts dans la région de Cayenne, l’activité de raffinage étant intégralement implantée en Martinique pour une capacité de production de 800 000 tonnes de brut par an, lequel est acheminée de champs pétroliers principalement européens (notamment en Mer du Nord). La petite compagnie de raffinage est d’ailleurs menacée par la concurrence du Venezuela, produisant du pétrole localement à bien plus bas coût, et vers laquelle la Guyane elle-même pourrait se tourner. D’où l’inquiétude du président de la délégation sénatoriale à l’Outre mer, Serge Larcher :

Si la Sara perd cette clientèle, cela pourrait être problématique. La Sara est une structure de solidarité entre les départements français d’Amérique.

Stockage ; Raffinerie de Petit-Couronne, Pétroplus via Zigzagzou (Flickr)

L’hypothèse de raffiner une partie du pétrole dans la région se heurte cependant à deux limites techniques : la capacité de raffinage et le type de pétrole. “Le pétrole extrait en Mer du Nord n’est pas aussi profond que celui que Shell pourrait extraire au large de la Guyane, nous explique-t-on à la Sara. Nos installations ne sont pas forcément suffisantes pour raffiner un brut trop lourd, tout dépendra de ce que trouve la compagnie.”

Mais le sauvetage de la Sara est bien loin d’être la priorité des élus. Laquelle était clairement formulée par le sénateur du Puy-de-Dôme, Alain Néri, le 30 mai :

Shell, en France depuis 1919, possédait la raffinerie de Petite-Couronne, qu’il a cédée en 2008 à Pétroplus. Aujourd’hui, la situation sociale et économique est dramatique, et Pétroplus en faillite. On comprend l’inquiétude des 550 salariés du site ! Faisons ensemble un peu de prospective : pourquoi ne pas raffiner le pétrole de Guyane à Petit-Couronne, qui est relié au port du Havre par un oléoduc ?

Au lendemain du remaniement qui avait vu la ministre du Développement durable, opposée au projet guyanais rabattue sur le commerce extérieur, Marianne2 avait révélé que Nicole Bricq avait été la victime du chantage de Shell qui avait échangé le maintien de l’activité du site de raffinage de Pétroplus contre l’engagement de l’Etat à le laisser forer en mer.

Les deux dossiers sont en fait liés d’un point de vue industriel. Mais, dans la bouche du PDG de Shell, il n’apparaît pas comme acquis que les forages au large de la Guyane sauvent le raffinage le long de la Seine :

Le raffinage représente une activité très significative, mais le site de Petit-Couronne ne s’inscrit pas dans nos orientations à long terme. La basse Seine compte déjà deux raffineries beaucoup plus importantes, que Petit-Couronne n’est pas de taille à concurrencer. Nous avons choisi d’investir dans d’autres projets.

Sur le bateau-plateforme offshore, au large de l'Angola, le groupe Total exploite le gisement Girassol a 1400 metres de profondeur. ©Hélène David/Collectif Argos/Picture Tank - 2005 -

Bien plus proche que Le Havre du site d’extraction, le Brésil compte avec sa compagnie nationale Petrobras des capacités de raffinages considérables, qui nous ont été détaillées par leurs services :

La Petrobras dispose de 15 raffineries au Brésil, pour une capacité totale de deux millions de barils de pétrole par jour. […] La majeure partie du brut raffiné par les raffineries Petrobras vient de la production offshore au large des côtes atlantiques du Brésil.

Une capacité 100 fois supérieure à celle de la petite Sara, couplée à des sites de stockage et à une expertise sur le brut offshore indisponible en France à moins de 7 000 km de Cayenne.

Royalties

Le plus gros potentiel éveillé par le pétrole guyanais reposerait en fait dans le partage des bénéfices. Le montant des royalties prélevées sur la valeur du pétrole s’élève, selon le code minier, à 12% de la valeur, auquel s’ajoute l’impôt sur les bénéfices, faisant grimper les prélèvements à 50 ou 60% du prix du brut extrait des eaux guyanaises. Des rentrées fiscales réparties également entre l’Etat et la région et que les élus locaux seraient encore en train de négocier à la hausse avec Shell, selon un conseiller du ministère du Développement durable.

En marge de ses activités et comme pour tous les projets de ce genre, la compagnie pétrolière prévoit des investissements dans deux axes pour stimuler le tissu local, faisant l’objet de deux groupes de travail détaillés par Roméo durant son audition sénatoriale :

Nous développons une connaissance approfondie du milieu, finançons des thèses et participons à des études en cours. […] Le quatrième point concerne les actions en mer : soutien au secteur de la pêche, plan de développement des activités maritimes, aide à la constitution de coopérative de pêcheurs, recherche sur des moteurs plus adaptés, etc. C’est l’objet du dernier groupe de travail, qui associe notamment les pêcheurs.

Dans les deux cas, aucune perspective de création d’emplois n’est envisagée, seulement le soutien aux chercheurs et aux pêcheurs locaux. Autant de bénéfices qui n’atteindront leur pleine expression qu’à l’horizon 2019, quand débutera l’exploitation elle-même. Même en hypothèse haute, les travaux d’extraction ne semblent guère à même d’amener à la création de plus des 500 emplois liés à la plate-forme et ceux permis par les retombées fiscales (suivant les réserves effectives de brut). Loin du millier estimé par M. Roméo. Et pas forcément au bénéfice unique des Guyanais.


Photographies d’Hélène David © tous droits réservés, Collectif Argos/Picture Tank. Reportage réalisé en 2005 sur le bateau-plateforme au large de l’Angola, où le groupe Total exploite le gisement Girassol à 1400 metres de profondeur.

Photo de Petroplus au Havre par CC BY Zigazou76 via Flickr

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Montebourg et Batho à la vérification http://owni.fr/2012/06/18/montebourg-et-batho-a-la-verification/ http://owni.fr/2012/06/18/montebourg-et-batho-a-la-verification/#comments Mon, 18 Jun 2012 15:23:53 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=113550 Owni a vérifié leurs propos chiffrés.]]>

Owni s’est penché sur les déclarations chiffrées en cette période riche en annonces politiques. À la faveur de cette période électorale, les membres du gouvernement ont usé de statistiques pour appuyer leurs propositions. Et, s’agissant d’Arnaud Montebourg et de Delphine Batho, dans les citations que nous avons relevées dans des interviews accordées à des médias grands publics, ils s’y sont cassé les dents.

Coopératives

Invité sur RTL mardi, le ministre du Redressement productif était venu vanter l’option défendue par le gouvernement d’une reprise de SeaFrance par ses salariés. Pour souligner les mérites des Sociétés coopératives ouvrières (les Scops), Arnaud Montebourg s’est attardé sur une société bien connue ayant adopté ce modèle et sur la modération salarial qu’elle pratique :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Je voudrais signaler une grande entreprise, qui s’appelle Chèque déjeuner, qui est connue de beaucoup de salariés, c’est une Scop ! Où les écarts de salaires sont très réduits, de 1 à 3 ou 4. Où les bénéfices, considérables, sont ré-engrangés dans l’entreprise et où on se consacre à l’investissement, à l’innovation.

Non disponible sur le site de Chèque déjeuner, la rémunération de Jacques Landriot, PDG du groupe, n’est pas tenu secrète par la société. Contacté par Owni, le service de communication a répondu à nos questions sur l’écart salarial :

Nous n’avons pas son salaire au mois dernier mais il était d’environ 10 000 euros net fin 2011. Le groupe n’embauche pas en dessous de 1500 euros. Nous sommes en général dans un rapport de un à sept ou huit entre le plus bas et le plus haut salaire.

L’écart réel serait donc le double de celui avancé par Arnaud Montebourg sur RTL. Si la fédération nationale des Scops ne dispose pas de statistique sur l’écart salarial dans les sociétés coopératives ouvrières à travers la France, les services de l’Observatoire de l’économie sociale et solidaire en Île-de-France nous ont présenté une “tendance” qui se situerait dans un écart de 1 à 7. “Mais il faut pondérer ce constat, les formes de Scops diffèrent énormément entre les différents secteurs et les tailles d’entreprise : les plus hauts salaires dans des PME en Scops sont mécaniquement moins élevés”, nous a-t-on précisé.

Si elle fait partie des valeurs défendues par les Scops, la modération salariale n’est en fait que le fruit du vote des comités des rémunérations où siègent également les salariés-sociétaires. Il n’existe pas de limite légale permettant de se revendiquer Scop. Le service de communication du groupe Chèque Déjeuner nous a même confié qu’il était envisagé d’étendre l’écart salarial de 1 à 11 ou 12 pour recruter des personnes susceptibles de mener l’expansion du groupe à l’international.

Sur le point de l’écart salarial, le ministre du Redressement productif est donc incorrect. Il a en revanche raison de vanter la redistribution des bénéfices aux salariés, laquelle rapporte à chaque employé de la maison-mère de Chèque Déjeuner 20.000 euros par an, selon les chiffres du groupe.

Grâce

Mercredi, Delphine Batho passait à son tour à la question au micro de Bruce Toussaint sur Europe 1. Écartant la mise en place de la traditionnelle amnistie refusée par François Hollande, la ministre délégué à la Justice a préféré se concentrer sur la situation carcérale et les réponses pouvant y être apportées, en dehors de la grâce présidentielle :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le contrôleur général des lieux privatifs de liberté est dans son rôle. Et d’ailleurs le gouvernement est à son écoute lorsqu’il tire le signal d’alarme sur la situation qui est celle aujourd’hui des prisons françaises, avec une surpopulation carcérale qui est catastrophique, 117%, pour 57000 places.

La ministre indique d’elle-même la source de ses chiffres : il s’agit de l’avis du contrôleur général des lieux de privation de liberté, lequel a été publié le 22 mai dernier au journal officiel. Dès le troisième point de ce rapport très critique des conditions de détention en France, le contrôleur avance effectivement les chiffres de 117% de taux de sur-occupation mais le juge loin d’être pertinent, au regard des différences entre centres de détention et maisons d’arrêt :

117 % tiré du rapprochement du nombre de places et de celui des occupants n’est qu’une moyenne vide de sens, dès lors qu’existe dans les établissements pour peines un numerus clausus de fait, qui conduit à des taux d’occupation qui ne dépassent jamais 100 % mais qu’inversement, dans les maisons d’arrêt, le taux d’occupation peut être, par voie de conséquence, beaucoup plus élevé. Dans un de ces établissements qu’a visité l’an dernier le contrôle général, dans l’est de la France, vivaient 163 personnes détenues pour soixante-dix-sept places (soit un taux de sur-occupation de 212 %

Le jugement du contrôleur général des lieux de privation de liberté paraît d’autant plus pertinent à l’analyse de la cartographie pénitencière de la France, telle que l’avait réalisée OWNI.

Quant au chiffre de 57 000 places, il est également présenté dans l’avis mais largement pondéré dans sa définition :

D’autre part, le concept de « place » est d’une remarquable plasticité. Une maison d’arrêt antillaise visitée comptait ainsi cent trente places théoriques mais 244 lits (soit une surcapacité de 188 %) ; une autre dans le centre de l’Hexagone cent vingt-deux places théoriques mais 154 “pratiques” (soit un taux de surcapacité de 126 %) ; il suffit pour accroître le « théorique » de mettre par exemple deux lits superposés dans une cellule individuelle ou trois dans une cellule en comptant deux, sans d’ailleurs que le reste du mobilier soit en général accru d’autant, faute de place.

Du simple point de vue mathématique, Delphine Batho tient donc des propos corrects. Mais l’avis même qu’elle évoque, s’il reprend les mêmes statistiques, critique leur fondement, rendant un panorama résumé à deux chiffres très réducteurs de la réalité de la situation carcérale en France. Et par conséquent du travail qui attendrait la ministre déléguée pour réformer la condition carcérale dans le pays, si elle demeure à la Justice après un éventuel remaniement tirant les conséquences de ces législatives.


Photo FlickR BY-NC Western socialist.

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Ministre de la recherche de profits http://owni.fr/2012/05/24/lautre-cv-de-genevieve-fioraso/ http://owni.fr/2012/05/24/lautre-cv-de-genevieve-fioraso/#comments Thu, 24 May 2012 14:00:35 +0000 Claire Berthelemy et Pierre Leibovici http://owni.fr/?p=111073

À un moment, ils m’appelaient Miss Dollar. C’est vrai. Ça ne sert à rien de chercher à faire le top du top si on ne le vend pas.

Geneviève Fioraso, la nouvelle ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, expliquait ainsi au Journal des entreprises, comment elle cherchait à financer la R&D (Recherche et développement) du temps où elle était cadre dans une start-up. Une approche de la recherche qui inquiète Laurence Comparat, membre de l’Ades, une association écologiste grenobloise :

Sa vision de la recherche est systématiquement industrielle, et donc économique. Si elle procède de la même manière à l’échelle nationale qu’à Grenoble, il y a des craintes à avoir.

Officiellement, Geneviève Fioraso n’a eu ces dernières années qu’un”engagement public local et national”. Sa biographie, sur le site du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, indique qu’elle n’a plus eu de rapport avec le secteur privé depuis 2004, dernière année où est mentionnée une “activité professionnelle”.

Geneviève Fioraso ne serait “que” députée, première vice-présidente de la communauté d’agglomération de Grenoble chargée du Développement économique, universitaire, scientifique et de l’innovation, adjointe au Maire de Grenoble à l’économie, l’emploi, l’université et la recherche et membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).

La nouvelle locataire de la rue Descartes a cela dit oublié des lignes. Car elle administre également – voire dirige – six structures à mi-chemin entre public et privé : deux sociétés d’économie mixte, deux associations aux frontières du lobbying, une éco-cité et un établissement public d’enseignement supérieur. Reconstitution.

Championne du mixte

La spécialité de la nouvelle ministre ? Les sociétés d’économie mixte (SEM), ces entreprises à conseil d’administration dont le capital est réparti entre des personnes publiques (majoritaires) et au moins un actionnaire privé. Le nom de Geneviève Fioraso figure ainsi dans les renseignements juridiques de trois SEM, bien qu’elle n’ait jugé bon de le préciser dans sa biographie que pour une seule d’entre elles, Minatec Entreprises.

Depuis 2003, en effet, l’élue de Grenoble est aussi PDG de Minatec, un vaste “pôle d’innovation en micro-nanotechnologies”. “Entreprendre à l’infini”, telle est la devise de Minatec qui abrite plus de 11 000 mètres carrés de laboratoires de recherche, start-ups et géants de l’industrie.

Cet envie d’entreprendre, Geneviève Fioraso a tenté de l’assouvir en multipliant les casquettes autour de Minatec. C’est donc comme PDG de Minatec que l’élue préside le comité de pilotage du projet Presqu’île/GIANT, l’un des treize projets d’éco-cités du pays et, comme le précise son site, parmi “les plus importants investissements public-privé en France” (1,3 milliard d’euros sur 15 ans).

Par cohérence, sans doute, l’élue grenobloise est aussi administratrice d’une autre SEM, Innovia Grenoble Durablement, chargée de l’aménagement de Presqu’île/GIANT. Et, toujours pour son implication dans la “Presqu’île”, Geneviève Fioraso administre le regroupement d’écoles Grenoble Institut national polytechnique – membre fondateur de Minatec et de GIANT.

Dernière SEM oubliée par la ministre sur son C.V., Alpexpo, une entreprise qui gère le parc d’exposition éponyme à Grenoble. Si Geneviève Fioraso n’apparaît pas comme administratrice dans les renseignements juridiques d’Alpexpo, c’est qu’elle a préféré utiliser son nom de jeune fille, Lefevre. Cette décision est peut-être à mettre en rapport avec la santé financière d’Alpexpo : comme l’indique une analyse des comptes provisoires qu’Owni s’est procurée (voir ci-dessous), la société a présenté un résultat net en déficit de 1,968 million d’euros en 2011. Devant ce résultat, la mairie de Grenoble a d’ailleurs décidé, en mars dernier, la mise en place d’une mission d’information et d’évaluation sur les déboires financiers d’Alpexpo.

ALPEXPO Synthèse comptes provisoires 2011

Non-lucratif

Décidément rompue aux conseils d’administration, Geneviève Fioraso ne se prive pas – sans toujours l’indiquer sur “son CV” – de participer à plusieurs associations loi 1901. A but non lucratif, donc. Les missions affichées desdites associations ont pourtant tout à voir avec la recherche de profits.

L’Agence d’études et de promotion de l’Isère (AEPI), par exemple, dont Geneviève Fioraso est la Vice-présidente du Conseil d’administration, s’attache à “faciliter” et “coordonner” les rapports entre “acteurs publics et acteurs privés”. Dans son rapport d’activité 2011, l’AEPI présente ainsi l’aide qu’elle a apportée à différents “acteurs économiques”. Le premier d’entre eux n’est autre que “Minatec Entreprises”, la SEM justement présidée par Geneviève Fioraso.

Autre association pour autres intérêts, le pôle de compétitivité Tenerrdis. Aux côtés du CEA, de GDF-Suez, Alstom ou encore Schneider Electric, Geneviève Fioraso y est administratrice. Dans son portrait de l’élue grenobloise, l’équipe rédactionnelle de Tenerrdis a cette formule, qui résume plutôt bien la situation :

Geneviève Fioraso est une actrice incontournable des sphères économiques et politiques de Grenoble et plus largement du département.

Ce mélange des sphères, Geneviève Fioraso l’a par exemple formalisé dans les colonnes du Dauphiné libéré daté du 4 février 2011, en co-signant une tribune avec Jean-Marc Chardon, président de Tenerrdis et directeur des affaires institutionnelles du mastodonte Schneider Electric. Et de plaider de concert pour le renforcement des “investissements d’avenir du grand emprunt” lancés par la prédécesseure de la nouvelle ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Valérie Pécresse.

Des amis dans l’industrie, Geneviève Fioraso en a d’ailleurs plus d’un. Il y a quelques mois, un article du journal Le Postillon – sorte de Canard enchaîné grenoblois -, repris par le site Article 11, recensait au moins cinq “patrons grenoblois” pour lesquels “on ne compte plus les photos côte à côte, les communiqués communs, les félicitations réciproques, les enthousiasmes partagés” avec l’élue locale. Bruno Cercley, par exemple, le PDG de Rossignol, dont elle a assisté à la cérémonie de remise de la légion d’honneur en avril 2011. Ou encore André-Jacques Auberton-Hervé, le PDG de SOITEC, mentionné sur le blog de campagne de la députée d’alors comme le chef d’orchestre “d’un bel exemple de partenariat fructueux entre laboratoire public et entreprises”.

Pour André-Jacques Auberton-Hervé, la nouvelle ministre a d’ailleurs su faire preuve d’une grande générosité. Financière, notamment. Car l’homme est également le vice-président de SEMI, une “association industrielle internationale sans but lucratif” qui, comme le mentionne un communiqué de presse, “soutient la croissance de l’industrie par le biais de normes internationales, de salons et du lobbying”. C’est ainsi sous l’impulsion de Geneviève Fioraso que la ville de Grenoble et la communauté d’agglomération Grenoble Alpes Métropole ont adhéré, pour la somme de 2 990 euros chacune, à SEMI. Et, toujours sur proposition de Geneviève Fioraso, la mairie a versé 35 000 euros à SEMI en 2010 et 2011, à peine moins que la communauté d’agglomération pour ces deux années (37 990 euros), comme le confirment les délibérations du conseil municipal ci-dessous :

Délibérations du conseil municipal sur SEMI

Chaque année, le lobby SEMI organise un forum à Bruxelles. Il y a un an jour pour jour, le 24 mai 2011, Geneviève Fioraso y donnait une conférence. Comme un écho aux propos qu’elle tenait, fin 2008, à l’occasion d’une audition publique sur la “valorisation de la recherche” :

Les règles de la concurrence imposées par l’Europe sont souvent contre-productives pour la mise en route de grands projets de recherche rassemblant les acteurs publics et les entreprises.

Comme tous les ministres du gouvernement Ayrault, Geneviève Fioraso a apposé sa signature au bas d’une charte de déontologie. A la rubrique “Impartialité”, on trouve ces mots :

Les membres du gouvernement sont au service de l’intérêt général. Ils doivent, non seulement faire preuve d’une parfaite impartialité, mais encore prévenir tout soupçon d’intérêt privé. (…) Ils renoncent à toute participation à un organisme, même à but non lucratif, dont l’activité intéresse leur ministère.

Sollicitée par Owni, Geneviève Fioraso n’a pas donné suite à nos demandes.


Illustrations CC Matthieu Riegler remixed by pierreleibo et Pact like

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http://owni.fr/2012/05/24/lautre-cv-de-genevieve-fioraso/feed/ 29
Hollande en 309 citations vérifiées http://owni.fr/2012/05/07/hollande-president-elu-verification/ http://owni.fr/2012/05/07/hollande-president-elu-verification/#comments Sun, 06 May 2012 22:09:40 +0000 Sylvain Lapoix et Marie Coussin http://owni.fr/?p=109227 fact checking, permettant une lecture critique inédite des programmes et des discours politiques. Comme l'a proposé Le Véritomètre OWNI i>TÉLÉ au fil de cette campagne. Mais avant d'entamer la vérification du prochain quinquennat, honneur au vainqueur. Nous avons vérifié 309 citations de François Hollande durant toutes ces semaines. Beaucoup étaient exactes. Mais il y avait aussi de grosses boulettes. Les voici. Représentant autant de vrais sujets de révision pour le nouveau Président avant de se mettre au boulot.]]>

Place de la Bastille le 6 mai 2012 par © Eric Bouvet via Picture Tank.

La course vers la magistrature suprême du candidat socialiste a été semée de chiffres. Pendant trois mois d’écoute des discours de François Hollande, au fil de 35 interventions, 309 citations chiffrées ont été passées sous la loupe des vérificateurs d’OWNI. Sur l’ensemble de ces déclarations de François Hollande, 43,4% d’entre elles se sont avérées correctes, 35,3% incorrectes et 18,1% imprécises.

Au final, la crédibilité de François Hollande sur les propos que nous avons vérifié s’élève à 55%, le plaçant en troisième position des six candidats examinés, derrière Jean-Luc Mélenchon et Eva Joly, 9,2 points au dessus de son concurrent de second tour, Nicolas Sarkozy.

Mais, dans le détail des chiffres, il ressort clairement que certaines des propositions clefs du programme du candidat ont été défendues avec des chiffres incorrects. Des finances de l’État au prix de l’énergie en passant par les emplois publics, nous avons mis en lumière les points faibles de l’argumentaire de campagne du nouveau Président.

505 milliards

“Je veux redresser la France” était le titre du premier chapitre du programme du candidat Hollande et la 9ème de ses 60 propositions portait sur le retour à l’équilibre des finances publiques. Par cinq fois, cependant, il s’est lourdement trompé sur la dégradation des comptes de l’État, attaquant ainsi le bilan du Président sur ce point dans l’émission “Des paroles et des actes” sur France 2 le 11 avril dernier :

Ce n’est pas moi qui présente un bilan avec une dette publique de 600 milliards d’euros augmentés

Or ce bilan, justement est sensiblement inférieur : selon l’Insee, les comptes de l’année 2007 s’étaient clos sur une dette publique de 1211,6 milliards d’euros. Le dernier exercice, lui, a vu 1717,3 milliards de dette pour les comptes nationaux. Au total, il s’agit donc de 505 milliards de plus, et non 600. Argument de François Hollande pour défendre cet écart, sur lequel Nicolas Sarkozy a insisté lors du débat d’entre-deux-tours, il se base sur des projections sur l’exercice 2012. Or, depuis le début de notre exercice, nous avons refusé de nous baser sur des hypothèses, ce qui nous amène à rejeter cette justification.

Sous-estimé

Parmi les mesures du candidat PS les plus critiquées par ses adversaires, la création de 60 000 postes d’enseignants sur le quinquennat arrive certainement en tête. Là encore, pour la défendre, il s’appuyait sur les réformes mises en oeuvre par son prédécesseur à l’Élysée, notamment en matière de réduction d’effectifs, suivant un chiffre répété à quatre reprises dans les interventions que nous avons vérifiées :

Je rappelle que 80 000 [postes dans l’Éducation nationale] ont été détruits, ces cinq dernières années !

Mais les rapports annuels de l’Éducation nationale ne tiennent pas tout à fait le même compte des effectifs. Tous personnels confondus (enseignants et non enseignants), le ministère est passé du 1er janvier 2007 [pdf] à fin 2011[pdf] (derniers chiffres disponibles) de 1 209 828 agents à 1 108 217, soit 101 611 postes de moins. Une marge d’erreur de 21%, importante, mais moindre que quand il avait déclaré dans l’émission Dimanche + , une semaine après le 1er tour, que “60 000 fonctionnaires” partaient chaque année à la retraite, alors qu’ils étaient au dernier compte [pdf] (rapport sur les pensions de la fonction publique 2012) 83 172 pour toute l’année 2012…

S’il a sous-estimé la casse dans le secteur public, il l’a lourdement surestimée dans le privé. À cinq reprises, François Hollande a ainsi martelé :

Il y a eu près de 400 000 emplois industriels qui ont disparu ces cinq dernières années.

Considérant que ces “cinq dernières années” étaient en fait celles du quinquennat de celui dont il souhaitait prendre la place, nous avons consulté les bilans de l’Insee. Et l’écart est de taille : au premier trimestre 2007, la France comptait 3,6 millions de salariés dans le secteur industriel. Au dernier recensement (quatrième trimestre 2011), ils n’étaient plus que 3,2 millions, soit 343 400 postes de moins. Un écart de 16% avec le chiffre du candidat socialiste, qui place pourtant en tête des objectifs de son programme la relance de l’industrie par la création d’une Banque publique d’investissement.

Largement fluctué

Chahuté par les journalistes pendant l’entre-deux-tours sur ses projets de régularisation, François Hollande a, comme il l’avait promis au soir du premier tour, abondamment évoqué l’immigration. Avant même de s’égarer en affirmant au 20 heures de TF1 du 24 avril que Nicolas Sarkozy avait été “responsable de la politique migratoire depuis 10 ans” (oubliant son passage au ministère des Finances), il s’avançait déjà sur le bilan de l’immigration choisie :

Aujourd’hui, nous sommes tombés à 15 000.

Sur l’immigration économique, les chiffres du candidat PS ont largement fluctué : le 29 avril, sur Canal +, il avançait le double, “30 000 à peu près”.

Malheureusement pour lui, les chiffres du ministère de l’Intérieur infirment les deux hypothèses : pour l’année 2009 (dernières données définitives disponibles), la place Beauvau comptabilisait 19 251 “premiers titres de séjour” (hors renouvèlement donc) délivrés au titre de l’immigration économique.

Quant à son estimation de “40 à 50 000″ titres de séjours accordés pour les conjoints étrangers, avancée le 15 mars dans l’émission “Des paroles et des actes” sur France 2, elle est supérieure de 12% aux chiffres du rapport au Parlement sur les orientations de la politique d’immigration du ministère de l’Intérieur (36 561 visas pour conjoint étranger en 2009).

À la pompe

Dernière proposition emblématique des trois derniers mois de campagne de François Hollande : le gel des prix du carburants. Pour étayer ce projet visant à améliorer le pouvoir d’achat des Français, le candidat socialiste s’est justifié par le poids des taxes dans le prix des carburants :

Sur 100 que nous payons pour les carburants, 60 ce sont des taxes, 40 c’est le prix réel du pétrole.

Mais c’était sans compter sur une subtilité bien connue des automobilistes : les taxes sont très différentes d’un carburant à l’autre. À la pompe, le Super sans plomb affichait 57% de taxes en 2011, selon l’Union française des industries pétrolières, contre seulement 49% pour le gazole. Or, pondérée par la consommation relative de chaque carburant (le second représente 80,1% du contenu des réservoirs français), la moyenne s’établit à 50,1%, soit 19,8% de moins qu’annoncé par François Hollande ! Ce qui ne l’a pas empêché de répéter le chiffre à trois reprises, au cours des interventions que nous avons vérifiées.

Une erreur cependant anecdotique comparée à celle qu’il a faite le 15 mars dans l’émission “Des paroles et des actes” sur France 2, où il annonçait que la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) rapportait 26 milliards d’euros par l’Etat… alors que, selon le Projet de loi de finances 2012 [pdf], sa collecte était en 2011 de seulement 14 milliards, soit 85% de moins !

Pour répliquer aux arguments de son adversaire lors du débat d’entre-deux-tours, François Hollande s’est risqué sur deux autres énergies, le gaz et l’électricité. Selon lui :

le prix du gaz lui il a augmenté de 60 % pour les consommateurs

Les bases de données du ministère du Développement durable, elles, annoncent une hausse de 8,32 euros à 8,99 euros pour le tarif de base (ménage à 100 kWh) durant l’année écoulée, soit une hausse de 8%, et de 7,20 à 8,99 depuis le début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, soit 25%. Deux chiffres inférieurs de plus de la moitié aux propos du candidat socialiste. Quant à son évaluation de “20%” d’augmentation du prix de l’électricité, elle s’avère tout aussi exagérée, puisque, sur le dernier quinquennat, elle plafonne à 12,7% selon la même source.

Si ces exemples ne constituent qu’un échantillon, l’intégralité des déclarations chiffrées vérifiées par Le Véritomètre durant ses trois mois d’existence resteront en ligne et consultables pour les cinq années de mandat qui débute ce jour. Cinq années durant lesquels nos bases de données seront mises à jour et étoffées pour suivre au plus près les déclarations du nouveau Président et de ses plus proches collaborateurs à l’Élysée (porte-parole, conseillers et secrétaire général) et permettre aux internautes d’évaluer avec les vérificateurs d’Owni leur crédibilité. Pour François Hollande comme pour les citoyens, le factchecking, c’est maintenant.


Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin. Retrouvez toutes nos vérifications sur le Véritomètre et nos articles et chroniques relatifs sur OWNI
Photographie de la place de la Bastille le 6 mai 2012 par © Eric Bouvet via Picture Tank.
Illustrations par Loguy pour Owni /-)

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http://owni.fr/2012/05/07/hollande-president-elu-verification/feed/ 14
Le débat Hollande Sarkozy vérifié http://owni.fr/2012/05/03/veritometre-debat-hollande-sarkozy/ http://owni.fr/2012/05/03/veritometre-debat-hollande-sarkozy/#comments Wed, 02 May 2012 23:57:09 +0000 Equipe Véritomètre http://owni.fr/?p=108795 OWNI ont vérifié 137 références chiffrées brandies par Hollande et Sarkozy au cours de leur débat télévisé. Certaines de ces citations chiffrées étaient correctes. Quelques-unes imprécises. Et un bon nombre tout à fait fausses. Voici la synthèse de ces dernières, les quatre plus énormes citations ratées, incorrectes, plantées, pour chacun des deux candidats.]]>

À l’occasion du débat d’entre-deux-tours, l’équipe du Véritomètre, l’application de factchecking développée par OWNI-i>Télé était toute entière mobilisée pour vérifier en temps réel les déclarations des deux finalistes à l’élection présidentielle. Confiants, nous croyions être soumis à de maigres escarmouches statistiques entre François Hollande et Nicolas Sarkozy. Mais le face-à-face des candidats UMP et PS a été un déluge de données sous lequel Laurence Ferrari et David Pujadas sont restés coi.

Un chiffre toutes les 47 secondes

Durant leur temps de parole de 72 minutes et 12 secondes, les candidats ont livré une quantité considérable de chiffres : 92 pour le Président sortant et 45 pour son challenger socialiste, soit un chiffre toutes les 47 secondes pour Nicolas Sarkozy et un toutes les 1 minute et 36 secondes pour François Hollande.

Si chacun a essayé de tirer le débat sur son terrain, la majeure partie du temps de parole a été consacrée à l’emploi, notamment au chômage (10 citations pour Hollande et autant pour Nicolas Sarkozy), suivi par la croissance et les déficits ainsi que l’énergie. Si les impôts ont également occupé les deux finalistes, Nicolas Sarkozy a avancé pas moins de 13 chiffres sur l’Education nationale et l’enseignement ! A la grande surprise des vérificateurs, la question de l’industrie (en particulier la perte d’emploi industriel), pourtant récurrente dans les interventions publiques de chacun, n’est pas apparue autrement qu’au travers la question des déficits commerciaux.

Au final, voici leurs plus grosses bourdes et erreurs factuelles.

Hollande baisse les effectifs

François Hollande oublie des postes supprimés dans l’Education nationale sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy lorsqu’il déclare:

80 000 postes supprimés dans l’Education nationale depuis 2007.

Le candidat socialiste allège le bilan du président sortant sur le nombre de postes de fonctionnaires supprimés depuis 2007. Le rapport de l’Education nationale sur les statistiques indique (page 31) que le nombre des enseignants du public et du privé sous contrat ainsi que le personnel administratif, technique, d’encadrement et de surveillance s’élevait à 1 209 828 en 2007 contre 1 108 217 en 2011. La baisse des effectifs s’élève à 101 611 personnes sur cette période, soit 21 611 personnes de plus que le chiffre annoncé par le prétendant à la présidentielle.

Le candidat socialiste a aussi négligé le poids de l’immigration économique dans son intervention lorsqu’il annonce :

L’’immigration économique, c’est 30 000 par an.

Pourtant, les derniers chiffres définitifs du ministère de l’Immigration pour 2009 indiquent que 19 251 titres de séjour ont été délivrés pour des raisons économiques sur les 187 381 titres de séjour accordés en 2009. Soit 10 749 immigrants pour le travail que François Hollande oublie.

Sur la dette de la France, François Hollande a évoqué principalement deux chiffres durant ce débat :

La dette publique a augmenté de 600 milliards depuis le quinquennat de Sarkozy (…) et elle a augmenté de 900 milliards depuis 2002

Il aurait mieux fait de ne pas citer le deuxième. En effet selon l’Insee, en 2002, la dette de la France s’élevait à 912 milliards d’euros contre 1 717.3 milliards à la fin de l’année 2011 (dernières données disponibles).
Soit une augmentation de la charge de la dette de 817.3 milliards et non 900 comme le sur-estimait le candidat socialiste.

François Hollande a également buté sur le taux de chômage de l’Allemagne. Il l’estimait ce soir à 6.5 %. Des chiffres corrects, mais pas dans le bon ordre : selon Eurostat, l’institut de statistique européen de référence, le taux de chômage en Allemagne s’établissait à 5.6 % en mars 2012 (dernières données disponibles).

Sarkozy embauche des profs

Parmi les incorrections les plus énormes de Nicolas Sarkozy, on trouve cette citation :

Saviez-vous que l’Education nationale c’est la moitié de la fonction publique ?

Un chiffrage auquel le ministère de l’Education nationale est loin de se livrer. Selon des données issues d’un rapport sur les personnels de l’enseignement scolaire, les effectifs de l’éducation nationale s’élevaient à 985 573 en 2009, enseignants et personnels adminsitratifs, techniques et surveillants compris. Un chiffre à comparer avec les 5,298 millions de personnes employées dans la fonction publique au 31 décembre 2009 (dernières données disponibles), d’après le rapport annuel 2010 – 2011 du ministère de la Fonction publique.

Plutôt que de “un sur deux”, le ratio entre personnels de l’Education nationale et fonctionnaires s’affiche donc plutôt au-delà de un sur six.

Au cours de ce débat, Nicolas Sarkozy a également fait preuve de surprenants changements de chiffrage. En témoigne cette assertion sur la “multiplication” de l’éolien sous son quinquennat :

Nous avons multiplié par quatre les énergies éoliennes.

Pourtant, dans une conférence de presse tenue il y a moins d’un mois, le 5 avril, le candidat Sarkozy parlait des énergies éoliennes en ces termes :

Depuis que je suis Président de la République, les énergies renouvelables ont été multipliées par 18 pour l’éolien.

Dans les deux cas, Nicolas Sarkozy se retrouve dans le faux. Et ce, quelle que soit la définition de la “multiplication de l’éolien” retenue.

Pour le nombre d’éoliennes installées sur le territoire français, par exemple, le Syndicat des énergies renouvelables indique que le nombre d’éoliennes installées en France est passé de 1 904 en 2007 à 3 275 en 2010 (dernières données disponibles), soit une multiplication par 1,72.

Autre possibilité : que Nicolas Sarkozy ait voulu s’exprimer sur la progression de la production d’électricité d’origine éolienne en France. le Bilan énergétique de la France pour 2010 publié par le ministère de l’Ecologie et du Développement durable, la production d’électricité par les éoliennes françaises est passée de 4,14 térawatts/heure (TWh) en 2007 à 9,4 TWh en 2010 (dernières données disponibles), soit une multiplication par 2,27.

Introuvable “multiplication par quatre” des énergies éoliennes sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, donc.

Nicolas Sarkozy a ressorti un autre de ses chiffres favoris lors de ce débat :

Quel est le pays qui n’a pas un connu un trimestre de récession depuis 2009 ? Y’a-t-il un pays d’Europe, de l’OCDE qui a fait mieux que la France en termes de croissance depuis 2009 ?

D’après les données OCDE, si la France a effectivement connu aucun trimestre de récession depuis 2009 (tout juste, car elle a enregistré 0 % de croissance au second trimestre 2011), elle est loin d’être la seule : la Suisse et Suède étaient également dans ce cas.

Les comparaisons avec nos voisins européens sont restées très prisées du président-candidat lors de ce grand débat. Nicolas Sarkozy n’a ainsi pas hésité à répéter par quatre fois que :

La France est le pays d’Europe avec la Suède qui a les impôts les plus lourds.

C’est un rapport de la Commission européenne sur l’évolution de la fiscalité dans l’Union européenne qui renseigne sur les taux de prélèvements obligatoires harmonisés selon les pays de la zone, le tout en pourcentage du PIB.

Verdict : Nicolas Sarkozy mentionne à juste titre la Suède mais oublie son voisin danois. Avec 50,2% de taux de prélèvements obligatoires en part du PIB en 2009 (dernières données disponibles), le Danemark était en effet le “pays d’Europe” aux “impôts les plus lourds”. Suivi de près par la Suède (49,2%). Et de bien plus loin par la France, dont les prélèvements obligatoires représentaient 42,6% du PIB en 2009.

L’intégralité des données prononcées par les deux finalistes au cours de ce débat sera vérifiée. Et publiée avant le second tour, bien sûr.

Quant au gagnant du second tour, il sera à son tour vérifié pendant cinq ans. Jusqu’au prochain débat de l’entre-deux-tours.


Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
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Illustrations et couverture par Loguy pour Owni /-)

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http://owni.fr/2012/05/03/veritometre-debat-hollande-sarkozy/feed/ 188
Le grand (petit) emprunt (dé)chiffré http://owni.fr/2012/05/02/le-grand-petit-emprunt-dechiffre/ http://owni.fr/2012/05/02/le-grand-petit-emprunt-dechiffre/#comments Wed, 02 May 2012 16:27:39 +0000 Pierre Leibovici http://owni.fr/?p=108660 OWNI.]]>

L‘écart entre les deux finalistes se resserre dans le classement du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude des déclarations chiffrées ou chiffrables des candidats à l’élection présidentielle. En répétant à l’envi des chiffres (corrects) sur le score de ses prédécesseurs à l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy gagne deux points en une semaine et atteint 45,6% de crédibilité. Avec 56,3% de crédibilité, François Hollande mène toujours la danse.

Ces dernières 48 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 39 citations chiffrées des candidats retenus au second tour de l’élection présidentielle. Ainsi que leurs argumentaires de campagne, qui regorgent de données. A l’image du tract socialiste décrypté la semaine dernière, OWNI vous propose une analyse de l’un des nombreux chiffres qui ponctuent la Lettre aux Français de Nicolas Sarkozy, celui du montant des “investissements d’avenir”. Et des artifices de communication qui l’accompagnent.

Parlement évincé

Trois ans durant, la communication gouvernementale s’est échinée pour “le vendre”. Lancé en 2009 en pleine période de crise, le “Grand emprunt” fait partie de ces mesures que Nicolas Sarkozy a voulu marquer d’une pierre blanche. Depuis, l’emprunt géant a été rebaptisé “Investissements d’avenir”. Des investissements qui restent un thème central de la “Lettre aux Français” du président-candidat :

Investissements d’avenir 2007 – 2012 : 22 milliards d’euros pour l’enseignement supérieur et la recherche.

Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche est plus mesuré. Une plaquette de présentation de son budget pour 2012 mentionne que les investissements d’avenir représentent 20,6 milliards d’euros pour ces deux domaines. Une somme amenée à être répartie par des “opérateurs”, c’est-à-dire des établissements publics parmi lesquels l’Agence nationale de la recherche (ANR), le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) ou encore l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA).

Premier constat : le Gouvernement se fait très silencieux sur la traçabilité des fonds transférés. D’après l’annexe du Projet de loi de finances (PLF) pour 2012 sur la mise en oeuvre et le suivi des investissements d’avenir :

En 2010, les 35 conventions ont été signées entre l’État et les opérateurs ce qui a permis de transférer l’intégralité de l’enveloppe des 34,64 Md€ [montant total alloué dans le cadre des Investissements d’avenir, NDLR] sur les comptes ouverts au Trésor des opérateurs au 31/12/2010.

Les opérateurs ont donc bel et bien reçu des fonds de la part du Gouvernement sur un compte bancaire, ouvert au Trésor. Mais pour savoir où ces fonds ont été transférés, la situation est plus compliquée. Un an plus tôt, le rapport sur la mise en oeuvre et le suivi des investissements d’avenir, annexé cette fois-ci au PLF 2011, précisait d’ailleurs que :

Les opérateurs (…) assureront la gestion [des crédits] dans la durée, tout au long du processus d’instruction, de sélection des projets, de leur mise en œuvre et de leur évaluation. Il n’y aura donc plus de crédits relatifs aux investissements d’avenir sur le budget de l’État à compter de l’année 2011.

Autrement dit, en votant la loi de finances pour 2011, le Parlement a accepté le versement des fonds sur le compte des opérateurs tout en renonçant à son droit de regard sur la destination de cet argent. Cet état de fait, la Cour des comptes l’a vivement dénoncé dans son dernier rapport sur la gestion budgétaire de l’Etat :

Ce programme exceptionnel [les Investissements d’avenir, NDLR] a été mis en place par l’intermédiaire d’un montage particulièrement hétérodoxe au regard des principes budgétaires. En outre, ces crédits ont été exclus du périmètre sur lequel est apprécié le respect de la norme d’évolution des dépenses de l’État. Ainsi conçu, le mécanisme des investissements d’avenir affectera durablement la lisibilité du solde budgétaire.

Au rang des problèmes induits par ce manque de transparence vient d’abord le financement de projets anciens par de nouveaux moyens. Des moyens, écrit la Cour des Comptes, qui financent parfois “des opérations antérieurement annoncées mais qui n’avaient pas obtenu de financements” et même qui remplacent “des crédits budgétaires annulés en gestion 2010 ou devant être réduits en 2011″.

L’absence de contrôle par le Parlement des crédits alloués pose également un problème d’équité territoriale. Le Programme “Investissements d’avenir” prévoit en effet de créer “5 à 10 initiatives d’excellence”. Soit 5 à 10 pôles sur le territoire métropolitain, concentrant une université, des centres de recherche et des entreprises.

Extrait de la plaquette du grand emprunt (cliquez our télécharger le PDF)

Extrait de la plaquette Grand emprunt (cliquez sur l'image pour télécharger le PDF)

Une situation décriée par le collectif “Sauvons l’université”, dans une lettre parue le 22 juin 2011 :

Est-il légitime, sans aucune consultation politique, de sélectionner une poignée de ces universités pour leur donner moyens et notoriété aux dépens des autres établissements de même nature ? (…) Telles sont les questions que la procédure du Grand Emprunt permettait soigneusement d’éviter. Des appels d’offre – à l’apparence objective et aux allures d’élitisme républicain – sont venus se substituer à une consultation nationale sur le rôle de l’Université ainsi que sur son implantation territoriale.

Des milliards pas encore dépensés

Au-delà de la traçabilité des crédits, c’est la nature même des fonds alloués qui pose question. Sur les 34,64 milliards d’euros que représentent les investissements d’avenir, une partie importante – 15,03 milliards – est en effet non consommable. En d’autres termes, l’Etat a placé cette somme sur un compte bancaire et seuls les intérêts issus de ce placement pourront être “consommés” par les opérateurs. Le tout, à un taux de 3,4 %.

Se défendant de spéculer sur les marchés financiers, le Gouvernement se montrait à l’époque très optimiste. Il tablait alors, comme l’indique le rapport du sénateur Philippe Marini daté du 9 février 2010, sur un déblocage de fonds issus du Grand emprunt de l’ordre de :

4 milliards d’euros par an de 2010 à 2014.

Qu’en est-il aujourd’hui ? A l’occasion du Conseil des ministres du 25 avril dernier, François Fillon a affirmé que dans le cadre du Programme “Investissements d’avenir” :

Près de 900 projets ont été sélectionnés à ce stade, pour plus de 25 Md€ d’engagements.

25 milliards d’euros engagés. Mais pas décaissés. C’est-à-dire toujours en sommeil sur des comptes bancaires.

Selon un rapport parlementaire sur les financements extrabudgétaires de la recherche et de l’enseignement supérieur publié en décembre dernier, seul 1,6007 milliard d’euros avait été effectivement décaissé au titre des “Investissements d’avenir” au 30 septembre 2011. Contacté par OWNI, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche n’a pas été en mesure de fournir de données plus récentes.

Les “22 milliards d’euros pour l’enseignement supérieur et la recherche” vantés dans la Lettre aux Français s’en trouvent, quoiqu’il en soit, nettement nuancés.


Illustration véritomètre par Loguy pour Owni /-) Illustration grand emprunt par Jean Carlu via la galerie Flickr de Kitchener Lord [CC-byncnd]

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Crédibilité: Hollande 56% Sarkozy 44% http://owni.fr/2012/04/29/credibilite-hollande-56-sarkozy-44/ http://owni.fr/2012/04/29/credibilite-hollande-56-sarkozy-44/#comments Sun, 29 Apr 2012 09:39:57 +0000 Marie Coussin http://owni.fr/?p=108369 OWNI ont vérifié 132 déclarations chiffrées de Nicolas Sarkzoy et François Hollande prononcées au cours de leurs derniers débats ou discours. Voici le bilan détaillé de leurs erreurs et approximations. En passant par l'Espagne et le RSA (pour lequel les deux se trompent). Au classement de crédibilité OWNI i>Télé, François Hollande creuse l'écart avec Nicolas Sarkozy, avec 56% de déclarations exactes contre 44% pour le président sortant.]]>

Depuis quelques jours, les deux candidats, Nicolas Sarkozy et François Hollande abreuvent à nouveau leurs discours ou interviews de références chiffrées. Avec un sens de l’exactitude très relatif. Au classement du Véritomètre, l’application web qui vérifie l’exactitude des déclarations chiffrées des deux candidats à la présidentielle, l’écart se creuse : François Hollande reste en tête avec 56 % de crédibilité, quand Nicolas Sarkzoy se situe à près de 12 points derrière lui, à 44,3 %.

Durant cette dernière semaine, l’équipe du Véritomètre a vérifié 132 citations chiffrées de ces deux candidats. Résumé des quelques faits qui ont retenu notre attention (l’intégralité des 132 vérifications est accessible ici, sur les pages du Véritomètre).

Le président et son bilan

Les Français ont été mieux protégés de la crise que leurs voisins européens : c’est l’un des arguments phare de la campagne de Nicolas Sarkozy. Sauf qu’il exagère parfois nettement l’impact de ses mesures. Ainsi affirmait-il sur France Info le 25 avril :

Le RSA a permis à 600 000 familles de sortir de la pauvreté.

Faute de référent clair, la “pauvreté” évoquée par Nicolas Sarkozy correspond sans doute aux personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté – fixé à moins de 60 % du revenu national médian, soit 956 euros en 2010. Selon le rapport final du Comité national d’évaluation du RSA publié en décembre 2011, 78 000 foyers ont dépassé le seuil de pauvreté en raison de l’apport induit par le RSA.
Le candidat de l’UMP prend donc de fortes libertés avec les chiffres, en multipliant par 7,7 le nombre de familles sorties de la pauvreté grâce au RSA.

Autre exagération sur une autre radio du service public. Jeudi 26 avril, invité de la matinale de France Inter, Nicolas Sarkozy évoque son bilan en matière de retraites :

J’ai veillé à augmenter la pension de réversion, qui avant que je ne sois Président de la République était à 54 % et qui maintenant est à 60 %.

Pas tout à fait : la pension de réversion correspond à la fraction de la pension qu’un(e) retraité(e) peut toucher à la mort de son(sa) conjoint(e). Comme l’indique le Haut conseil à la famille dans une note du 8 juillet 2010, le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 a institué une hausse dans le montant de la pension de réversion du régime général, qui est passée de 54 à 60 % du montant de la pension du conjoint décédé. Si ce taux de 60 % a été effectivement atteint le 1er avril 2012, comme le précise le site Internet du ministère du Travail, cette majoration n’est accessible qu’à certaines conditions : pour les personnes de 65 ans et plus et ne touchant pas plus de 841,45 euros de réversion par mois. Au-delà de ce montant, la majoration de la pension de réversion est diminuée proportionnellement, ce qui implique que tous les retraités ne profitent pas d’une majoration à “60 %”.

La formulation utilisée par Nicolas Sarkozy est floue : elle sous-entend que la pension de réversion a été “augmentée” pour tous les retraités, alors que seule une part d’entre eux profite effectivement de cette majoration.

François Hollande taxe Nicolas Sarkozy

Le candidat socialiste s’est attaqué à l’une des promesses de Nicolas Sarkozy en 2007, qui consistait à ne pas augmenter les prélèvements obligatoires durant son quinquennat. François Hollande comptabilise cependant, lors de son passage à “Des paroles et des actes” sur France 2 le 26 avril :

Y’a eu 40 taxes qui ont été créées [par le Président sortant].

Nos confrères du Monde ont recensé, dans un article datant du 25 octobre 2011, le nombre de taxes créées, de hausses de taxes et de niches fiscales supprimées durant le mandant de Nicolas Sarkozy. Pour ce qui concerne les taxes uniquement, ils arrivent à un total de 31, y compris en comptant les taxes votées mais non encore appliquées (comme l’éco-taxe poids lourds qui sera généralisée dans tout le pays en 2013). Il reste encore un peu de marge avant d’atteindre le nombre de 40 taxes créées.

Décidément, le RSA ne réussit pas aux candidats. Alors que Nicolas Sarkozy exagérait considérablement le montant des personnes sorties de la pauvreté grâce à cette mesure, François Hollande surestime le montant de cette allocation, ou tout du moins manque de précision dans sa formulation. Il évoquait, toujours à “Des paroles et des actes” :

Le RSA, c’est 700 euros.

Or, comme de nombreuses allocations, le montant du RSA est calculé en fonction de la situation familiale des personnes. Selon les montants valables pour 2012 publiés sur le site Internet de la CAF, une personne en couple avec un enfant ou une personne seule avec deux enfants vont effectivement toucher 712,40 euros, mais une personne en couple peut monter jusqu’à 997,36 euros alors qu’une personne seule sans enfant ne touchera que 474,93 euros. Les propos de François Hollande sont donc imprécis car ils supposent que l’allocation du RSA est de 700 euros pour tout personne bénéficiaire.

Le retour des favoris

On pourrait l’appeler le “kit-chiffres de survie” ou le “set des données chéries”. Tant le candidat PS que le candidat UMP ont leur série de démonstrations chiffrées favorites, qu’ils ont ressortie très régulièrement pendant la première semaine de l’entre-deux-tours.

Le candidat socialiste a ainsi évoqué à Lorient le 23 avril, sur TF1 le 24 avril ou encore lors de l’émission “Des paroles et des actes” sur France 2 le 26 avril :

“Il (Nicolas Sarkozy) avait dit que si le chômage atteignait 5 % c’était la réussite de son quinquennat, c’est le double (…) il laisse un pays avec un taux de chômage de 10 % de la population active.

Les dernières données publiées par Eurostat, l’institut de statistiques européen, donnent raison au candidat socialiste : en janvier et février 2012, le taux de chômage en France s’établit à 10,0%.

Durant cet entre-deux-tours, Nicolas Sarkozy parle beaucoup de l’Espagne, incarnation, dans son argumentaire, de ce qu’aurait pu être la France sans sa présence à l’Élysée pendant la crise.

Il évoque ainsi, à Saint-Cyr-sur-Loire, le 23 avril :

220 % d’augmentation du chômage chez nos amis espagnols après sept années de gouvernement socialiste.

Invité des “Quatre vérités” sur France 2 le 24 avril :

Savez-vous combien de chômeurs en Espagne ? 23 %.

Lors du JT de 20 heures de TF1 le 25 avril :

Monsieur Zapatero, qui vient d’appeler à voter pour M. Hollande, 220 % d’augmentation (du chômage) en Espagne.

Et à “Des paroles et des actes” sur France 2 le 26 avril :

22 % de chômage [en Espagne].

Or, la réalité du chômage en Espagne décrite par les données officielles est légèrement différente de celle assénée à longueur de discours par Nicolas Sarkozy. Eurostat publie pour le mois de février 2012 un taux de chômage de 23,6 % en Espagne.

De plus, José Luis Zapatero, Premier ministre du Parti socialiste espagnol a été élu en mars 2004. Après un renouvellement, son mandat s’est terminé le 21 décembre 2011. Selon les données d’Eurostat, le taux de chômage harmonisé en Espagne est passé de 11,2 % en mars 2004 à 23 % en décembre 2011, soit une augmentation de 105,4 %. Même si la hausse du chômage en Espagne entre 2004 et 2007 est considérable, elle est donc loin de 220 %.

L’écart des résultats

Les deux candidats ont également régulièrement commencé leurs discours ou interviews par des calculs ou analyses faites sur les résultats du premier tour, comme “La Gauche est à son plus haut niveau depuis très longtemps, 44 %. ou encore presque “18 % (de suffrages exprimés en faveur) de Marine Le Pen (…) c’est 6 millions et demi de Français”.

Les résultats officiels étant publiés par le ministère de l’Intérieur, on ne s’attendait guère à trouver des incorrections dans ces citations. Et pourtant, un abus de langage peut jouer des tours, comme pour le candidat de l’UMP lors de son discours de Saint-Cyr-sur-Loire le 23 avril :

les Français sont allés voter à plus de 80 %.

Un “plus de” de trop : les résultats officiels publiés par le ministère de l’Intérieur évoque un taux de participation au premier tour de 79,47% des inscrits.

Ou un excès de zêle pour décrire la situation de son adversaire, comme François Hollande à Paris, le 25 avril :

Le candidat sortant qui arrive cinq points en-dessous de ce qu’avait été son résultat en 2007.

Toujours selon les données officielles du ministère de l’Intérieur en 2007, Nicolas Sarkozy avait obtenu 31,18 % des suffrages exprimés contre 27,18 % au premier tour de l’élection présidentielle 2012, soit une différence de 4 points.


Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
Retrouvez toutes nos vérifications sur le Véritomètre et nos articles et chroniques relatifs sur OWNI
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François Hollande choisit ses années http://owni.fr/2012/04/24/francois-hollande-choisit-ses-annees/ http://owni.fr/2012/04/24/francois-hollande-choisit-ses-annees/#comments Tue, 24 Apr 2012 18:14:02 +0000 Marie Coussin http://owni.fr/?p=107789 OWNI-i>Télé, François Hollande reste devant Nicolas Sarkozy de plus de deux points, avec 55 % de crédibilité.]]> Le classement duVéritomètre, permettant de vérifier l’exactitude des déclarations chiffrées ou chiffrables des principaux candidats à la présidentielle, a pris des airs de duel, entre-deux-tours oblige. L’écart entre les deux candidats reste important : François Hollande est en tête à 55 %, Nicolas Sarkzoy pointe à 43,6 %.

Durant ces dernières 24 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 22 citations chiffrées des candidats à l’élection présidentielle. Nous nous sommes également intéressés aux documents de campagne qui mettent en scène les données et qui prennent une place cruciale dans les argumentaires des candidats, comme “La lettre aux Français” de Nicolas Sarkozy ou “Le dépôt de bilan” réalisé par le Parti socialiste. Ou encore ce joli tract distribué par la fédération des Hauts-de-Seine. Ces documents feront l’objet d’analyses complètes durant l’entre-deux-tours.

Résumé des quelques faits qui ont retenu notre attention.

François Hollande gauche sur les emplois industriels

François Hollande aime fustiger la politique industrielle de son concurrent, avec cette donnée clef :

400 000 emplois industriels qui ont été perdus.

Répétée à l’envi : lors de son discours de Lorient le 23 avril, dans l’émission “Parole directe” de TF1 du 18 avril, mais aussi chez Christophe Barbier sur i-Télé le 10 avril, ou encore pendant son discours de Mont-de-Marsan, le 29 mars…

Or ce chiffre est incorrect : selon l’Insee, la France est passée de 3,6391 millions d’emplois industriels au premier trimestre 2007 à 3,2957 millions au dernier trimestre de 2011. Soit une perte de 343 400 emplois et non 400 000.

Etonnement, le PS semble mieux renseigné que son candidat : le tract évoque un chiffre plus proche de la réalité, de 350 000, dans un graphique mettant en scène l’histoire des emplois industriels en France entre 1993 et 2002.

L’Insee (source indiquée par le Parti socialiste) nous gratifie des données par trimestre, depuis 1970. En calculant, pour plus de visibilité, la moyenne par année, les chiffres donnent le graphique suivant.

Le graphique ne présente pas une réalité considérablement différente de celui du PS. En revanche, il montre bien que les emplois industriels chutent depuis les années 1970, à l’exception d’une remontée entre 1988 et 1990, ainsi qu’entre 1999 et 2001.

De plus, les données semblent contredire l’argumentaire socialiste selon lequel les gouvernements de droite font perdre des emplois industriels, ceux de gauche en créent. Sous François Mitterrand, la situation n’est pas vraiment meilleure : entre 1981 et 1988 (gouvernements Mauroy et Fabius), la France a perdu 504 000 emplois industriels, soit davantage même que pendant la présidence Sarkozy.

Le PS doit cependant se baser sur d’autres chiffres. Car les chiffres de l’Insee ne donnent pas les mêmes résultats que ceux présentés sur le tract. Que ce soit en calculant par année, ou par trimestre (en prenant le second trimestre, celui durant lequel ont généralement lieu les investitures, comme référence), impossible de retomber sur les éléments présentés par le tract socialiste :

Non seulement le PS semble exagérer les chiffres pour les périodes 1993-1997 et 1997-2002, mais en ne présentant les données que depuis 1993, ils sous-entendent un lien entre gouvernement de droite et perte des emplois industriels invalidé par les données historiques.

François Hollande oublie les DOM-TOM

Selon l’argumentaire du PS et de son candidat, Nicolas Sarkozy est également responsable de la hausse du chômage. Comme François Hollande l’évoquait à Lorient le 23 avril :

C’est celui qui a laissé le chômage atteindre 10 % de la population active.

Les derniers chiffres de l’Insee indiquent en effet pour le quatrième trimestre 2011 un taux de chômage de 9,4 % en France métropolitaine et 9,8 % en tenant compte des territoires d’Outre-Mer.

Son tract de campagne est plus précis, présentant là aussi une période historique, mais plus restreinte que celle mise en avant sur les emplois industriels. Sur ce graphique, le PS se concentre uniquement sur le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Le graphique indique la source (Dares) et fait plus ou moins référence à la catégorie de demandeurs d’emploi représentée ici en parlant de personnes “sans emploi ou en emploi précaire”. Cela peut correspondre aux catégories A, B et C : personnes sans emploi (catégorie A), ayant exercé une activité réduite courte, d’au plus 78 heures au cours du mois (catégorie B), ou une activité réduite longue, de plus de 78 heures au cours du mois (catégorie C).

Les chiffres présentés par le PS correspondent à ceux relevés par la Dares qui dénombrait 4,2786 millions de demandeurs d’emploi en février 2012 (dernières données disponibles) ; 3,840 millions en décembre 2009 ; 3,249 millions en décembre 2008 et 3,093 en décembre 2007.

Pour les années 2010 et 2011 par contre, si les données restent dans l’ordre de grandeur évoqué par le PS, difficile de savoir quel mois de référence ils ont choisi. Car en décembre 2010 la Dares recense 4,0309 millions de chômeurs et non 4,05 ; et 4,2534 millions en décembre 2011 et non 4,27.

Et surtout, les données présentées par la Dares ne prennent en compte que la France métropolitaine. Le (peut-être) futur président de tous les Français oublie donc une large partie du territoire.

Une balance floue

Le dernier graphique présenté par le PS sur son tract n’est pas très précis : les valeurs ne sont pas indiquées, seule l’échelle de gauche permet de donner une idée du montant du solde du commerce extérieur en France.

L’équipe du Véritomètre avait déjà inséré les données relatives à la balance commerciale de la France dans l’application, issues de l’Insee et non de l’ONU comme le source le tract du PS. Mais les tendances évoquées sont les mêmes :

Cependant si l’on reprend la tendance large évoquée par l’Insee, on voit que les années où la Gauche était au pouvoir présentent également en dents de scie.

Les données issues de ce tract, que le PS s’est pourtant donné visiblement la peine de chercher, sourcer, scénariser et représenter graphiquement, ne sont pas celles que l’on retrouve pour la visualisation interactive du PS intitulée “Le dépôt de bilan de Nicolas Sarkozy”. Nous aurons l’occasion de revenir également sur ces chiffres.


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Les mauvais chiffres du premier tour http://owni.fr/2012/04/22/les-gamelles-chiffrees-du-premier-tour/ http://owni.fr/2012/04/22/les-gamelles-chiffrees-du-premier-tour/#comments Sun, 22 Apr 2012 18:38:06 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=107408 OWNI en partenariat avec i>TÉLÉ. ]]>

Lancé en partenariat avec i>TÉLÉ pour vérifier les déclarations chiffrées des six principaux candidats à l’élection présidentielle, le Véritomètre a vu voltiger des centaines statistiques en deux mois de factchecking. Après ce premier tour, nous vous livrons un condensé des plus grosses erreurs des prétendants à l’Élysée, rangées par type de bourdes. Un panorama synthétique des libertés prises avec les statistiques officielles au travers duquel perce, peut-être, une certaine vision des Français et du genre de pilule que les équipes de campagne veulent leur faire avaler. Expliquant, peut-être, les surprises des résultats du suffrage de ce dimanche.

L’arrondi qui tue

Parmi les reproches les plus courants que nous ont adressés les membres des équipes de campagne des candidats, il y a la question des arrondis : selon eux, nous étions “trop sévères” avec les pauvres politiques essayant par un gros chiffre qui tombe juste de faire la démonstration que la France va mal. Une remarque étonnante, surtout venant d’un candidat comme François Bayou, lequel a fait du “discours de vérité” le point d’orgue de sa communication politique. Champion du redressement des finances publiques, c’est pourtant le même candidat du Modem qui sous-estimait de 8,7% le budget de l’Etat un matin sur Europe 1 :

L’argent que dépense l’État, les collectivités locales et la Sécu, c’est 1000 milliards, 1000 fois 1000 millions par an.

L’estimation était révisée à la hausse de 5% par le même candidat, trois semaines plus tard sur RTL cette fois-ci :

La France dépense un peu plus de 1000 milliards de dépenses publiques par an, mettons 1050 milliards.

Le vrai chiffre est encore 44 milliards au dessus : 1094 milliards d’euros en 2011 selon l’Insee. Cet arrondi serait, nous a-t-on assuré dans l’entourage du candidat, “au service d’une démonstration”. Mais pourquoi, alors, François Bayrou reproche-t-il quelques dizaines de milliards de surcoût dans le programme d’un de ses concurrents quand lui-même en oublie une centaine ?

À ce petit jeu, le président sortant lui-même a fait très fort puisque la première mesure de sa campagne, présentée en direct sur TF1 le 15 février, s’appuyait, elle-aussi, sur un chiffre incorrect mais bien rond :

Aujourd’hui, il y a seulement 10 % des chômeurs qui sont en formation.

Pointilleuse, notre équipe de data-journalists s’est penchée sur les derniers chiffres disponibles du ministère du Travail : vieux de 2009, ils indiquaient seulement 8% de demandeurs d’emplois en formation, soit 20% de moins qu’annoncés par le chef de l’État. Un arrondi, nous ont reproché de nombreux internautes, trouvant ce “0% de crédibilité” injuste pour “2%” de plus. Pourtant, ces deux points de chômeurs en formation représentent la modeste foule de 140 000 et quelques demandeurs d’emplois non inscrits à des formations, soit l’équivalent de l’agglomération de Clermont-Ferrand.

Derrière des arguments de forme, selon lesquels il serait trop long de donner “le chiffre complet”, se cache plus souvent le désir d’un “bon chiffre”, frappant l’esprit au détour d’une phrase et facile à mémoriser.

Question d’échelle

Mais il n’y a pas que dans les chiffres que la recherche du raccourci fait des ravages. À cause d’une mauvaise documentation, les candidats ont parfois énoncé des énormités y compris sur leur propre domaine d’expertise. Par exemple, ce n’est pas sur l’immigration ou la sécurité qu’Eva Joly nous a offert sur Canal + son plus gros écart, mais sur le logement, un des points phares de son programme :

Il y a 2 millions de logements vacants en région parisienne.

Le chiffre officiel le plus récent que nous ayons trouvé fait en réalité état de… 329 000 logements vides en Île-de-France ! Il existe bien deux millions de logements vides, mais dans toute la France.

De son côté, le candidat de l’UMP s’avançant sur le terrain des énergies vertes a de beaucoup surestimé les investissements dans la filière renouvelable lors de la conférence de presse de présentation de son programme :

Vous dites qu’on a bien du mal à affecter le chantier éolien. Ah bon ? Le chantier éolien c’est 12 milliards d’euros.

Avec un tel budget, les rotors auraient remplacé les réacteurs nucléaires sur les côtes normandes. Sauf que, s’il y a bien 12 milliards d’euros d’investis dans l’énergie éolienne, ce n’est pas en France, mais dans toute l’Europe ! Et le chiffre ne vient pas d’un obscur think tank mais du ministère de l’Écologie lui-même (lequel sous estimerait légèrement l’effort financier, selon le groupement des industriels européens du secteur). En réalité, c’est plutôt 1,2 milliard d’euros qui auraient été injectés par la France dans l’éolien, là où l’intégralité des investissements n’ont atteint depuis la première éolienne en 1991 que 7,164 milliards.

Derrière ces énormités, le raccourci semble évident : un gros chiffre trouvé au détour d’un rapport, mettant en valeur un atout ou une faiblesse structurelle. Las, pas le temps dans une interview ou un discours de finasser.

Sauf que ce sont généralement dans des sujets de niche que les terminologies sont les plus importantes : quand François Bayrou prétend qu’il ne subsiste que 100 000 emplois dans la “filière textile” dans Des paroles et des actes avant de parler du “sportswear”, il ne semble pas savoir que l’on ne parle de “textile” que pour les métiers de préparation du tissu et que “l’habillement” est, au sein des instances représentatives de ces industries, compté totalement à part. Et que, loin de ces 100 000 salariés, ils n’étaient déjà plus que 70 527 à travailler à la préparation des tissus en France en 2010.

Des chômeurs toujours prêts à rendre service

Mais les candidats font souvent mine de ne pas comprendre un sujet bien moins pointu et étroit que l’industrie des tissus : les questions d’emploi. Alors que le chômage est l’une des principales préoccupations des Français et qu’il constitue un sujet de débats permanents entre le sortant et les prétendants, aucun des candidats n’a pris le temps de décrire les différentes catégories de demandeurs d’emplois, à la notable exception de François Bayrou qui évoquait à Perpignan :

Un pays qui a presque 5 millions de chômeurs à temps complet ou à temps partiel.

À d’autres reprises, le candidat du Modem et ses concurrents n’ont pas eu ce soucis de précision. Entre les cinq catégories de demandeurs d’emplois, désignées par les lettres A à E (A, désignant les personnes sans aucune activité, B et C avec une activité partielle et D et E, ceux n’étant pas inscrit au début ou à la fin du mois à Pôle emploi), il leur est arrivé même de jongler dans une même intervention ! Sur TF1, le 27 février, François Hollande tire ainsi un bilan quelque peu réducteur du chômage :

dans une période de chômage, telle que nous la connaissons, trois millions de chômeurs

Par “bonne foi”, l’équipe des vérificateurs d’OWNI a considéré qu’il fallait vérifier une déclaration en supposant que le candidat se rangeait à la définition du chômage la plus proche du chiffre avancé, en l’occurrence, de la catégorie A des chômeurs à temps plein qu’il surestimait d’un peu moins de 5%… mais cinq minutes plus tard, il change de définition pour critiquer le bilan du président sortant :

Avoir eu pendant le dernier quinquennat un million de chômeurs supplémentaires, c’est un échec.

Y avait-il seulement deux millions de chômeurs sans activité en 2007 ? On en est loin : selon la Direction des études statistiques du ministère du Travail (Dares), l’augmentation n’a pas dépassé les 750 000. En revanche, ce chiffre est bien atteint pour une autre définition du chômage (catégorie A, B et C).

De l’Outre-Mer à l’oubli

Les chiffres officiels du chômage contiennent en eux-même un biais considérable : ils écartent purement et simplement les départements d’Outre-Mer ! Les chiffres de la Dares pour février 2012 recensent ainsi 4 278 600 demandeurs d’emplois de catégorie A, B et C en métropole. Mais ils sont 4,47 millions en comptant les chômeurs de Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion, soit près de 270 000 de personnes ignorées par la statistique de référence !

Dans la dernière île seulement, le Pôle emploi recense 20 200 inscrits, soit plus que dans toute la région Poitou-Charentes pour une population de 60% inférieure. Épisode pittoresque par excellence des tours de France des candidats, le passage par les départements ultra-marins (notamment les Antilles) ne laisse généralement que peu de souvenirs dans les chiffres évoqués en métropole. Loin des yeux, loin du coeur, deux mois après avoir rendu visite aux Français des Caraïbes, François Hollande les oubliait déjà pour flatter les jeunes réunis autour de lui à Bondy pour son discours du 16 mars :

La Seine-Saint-Denis est le département le plus jeune de France.

Entre l’Atlantique et la Méditerranée, l’Insee donne raison au candidat socialiste : avec 440 865 habitants de moins de 20 ans en 2010 sur 1,527 million d’habitants, la Seine-Saint-Denis détient le taux record de 28,86% de jeunes. Mais seulement en métropole. Car, un océan plus loin, tous les territoires français affichent une population plus jeune encore : 29,5% de moins de 20 ans en Guadeloupe, 34% à la Réunion et, record de la France entière, 44,4% pour la Guyane. Un record auquel s’ajoute un taux de chômage de 45,1% chez les jeunes de moins de 24 ans. Une performance rarement évoquée dans les discours.

L’ivresse des records

Pour jouer aux réformateurs, en revanche, les candidats, et notamment le président sortant, stigmatisent à tout va la France comme le pays dernier de la classe, y compris en direct dans l’émission Parole de candidat face à quelques millions de téléspectateurs :

La France est le seul pays au monde où lorsqu’il y a une crise, le prix de l’immobilier augmente.

L’effet escompté est évidemment de dénoncer un archaïsme honteux ou bien un système grippé que tous les régimes précédents auraient protégé jusqu’à ce jour et que l’impétrant compte bien renverser une fois au pouvoir (quand bien même il l’est déjà). Sauf que, le monde est vaste et il y a toujours un pays pour écorner la démonstration : dans le cas de l’immobilier, il a suffi aux vérificateurs du Véritomètre de passer en revue les États européens pour en trouver trois – Suède, Finlande et Norvège – où les prix de l’immobilier avaient également augmenté ces quatre dernières années.

En dehors de la sortie de Marine Le Pen, correcte à Nice quand elle déclare que le taux de syndicalisation français est “le plus bas du monde occidental”, rares sont les tirades de ce genre qui résistent à la vérification. Spécialiste des classements en tout genre (des forêts jusqu’aux salles de classe), François Bayrou a bien essayé pour interpeller son auditoire d’exagérer la situation française :

Nous sommes le seul pays dans notre situation en Europe (…) qui soit devant un épouvantable déficit du commerce extérieur.

C’était sans compter les bases de données d’Eurostat, lesquelles nous ont appris qu’il y avait bien pire que nous. Et, cette fois-ci, nul besoin d’aller chercher en Pologne ou dans les pays scandinaves pour savoir qui surclasse Paris en matière de déficit commercial : avec 117,4 milliards d’euros de déficit commercial en 2011, c’est la Grande-Bretagne qui arrive première en UE, avec près de 50% de dépendance économique extérieure de plus que la France.

En dehors de l’efficacité de la formule, permettant d’assurer que “la France s’est mieux sortie de la crise que quiconque” et autres superlatifs, ce type de comparaison excessive a l’avantage de frapper l’esprit d’une formule sans obliger le candidat à avancer un chiffre ou à détailler les raisons expliquant un retard.

Maths

À l’extrême opposé de ces “chiffres chocs”, il arrive que le citoyen spectateur d’un meeting ou d’une interview se voit infligé une interminable démonstration bourrée de chiffres censée révéler une vérité cachée à grands coups de maths. En la matière, le champion toutes catégories reste François Bayrou, lequel s’est à plusieurs reprises (Angers, Besançon, Parole de candidat…) autoproclamé “président, trésorier et fondateur de l’association pour la défense du calcul mental”. Sa plus célèbre démonstration, restée gravée dans la mémoire de nos journalistes de données, reste la comparaison entre les voitures produites sur le territoire français par Renault et celles fabriquées en Allemagne par Volkswagen :

Je suis très frappé par ces chiffres-là : en 2005 toujours, Volkswagen produit en Allemagne 1 200 000 véhicules par an et, au même moment, Renault produit en France 1 200 000 véhicules par an, le même chiffre. Cette année, sept ans après, Volkswagen va produire en Allemagne 2 200 000 véhicules, presque le double, et chez nous Renault va produire en France 440 000 véhicules, trois fois moins que ce qu’il produisait en 2005.

À la sortie de ce tunnel, ceux qui auront réussi à suivre l’enchaînement des chiffres (malgré le débit plutôt modéré du candidat du Modem) auront saisi la question sous-jacente : pourquoi Renault produit moins sur son territoire alors que l’Allemagne produit plus ? Sauf que, dans le détail, tous les chiffres évoqués ici sont incorrects. Selon les sources officielles : en 2005, déjà, la marque allemande affichait 40% de production en plus sur son territoire que le leader français (1,913 millions de véhicules produits côté Volkswagen contre 1,318 millions chez Renault). Quant aux derniers chiffres, s’ils “renforcent le constat”, comme nous l’avait rétorqué François Bayrou sur le plateau de i>TÉLÉ où nous lui avons présenté le graphique, ils n’en étaient pas moins tout aussi éloignés de la réalité.

L’autre grand classique est le calcul “à la volée” de l’impact d’une taxe. Invitée de Radio France Politique, Eva Joly a ainsi vanté les sommes mirifiques que récupérerait l’Union européenne en imposant une “taxe Tobin” :

Un taux de 0,005% pour la taxation des transactions financières dans la zone euro produit 172 milliards

Malheureusement pour la candidate d’Europe écologie-Les Verts, le calcul avait déjà été fait et à un taux bien supérieur : avec 0,1% d’imposition sur les mêmes transactions financières, la Commission européenne n’entrevoyait ainsi que 57 milliards par an de collecte, soit trois fois moins pour un taux vingt fois supérieur.

Vieilles de 12 ans

Les candidats ne vont parfois pas chercher aussi loin. Parfois, ils se contentent d’utiliser un “vieux chiffre à la mode”, répété à tort et à travers dans les enquêtes et les études sur un sujet. Bien que candidat le plus précis de la campagne de premier tour, Jean-Luc Mélenchon n’échappe pas à la règle quand il déclare sur France info :

80% des Smicards sont des smicardes !

Cette statistique, elle circule dans toutes les directions et depuis longtemps. Très longtemps. Au moins en 2000, puisque la source première de ce chiffre (rarement citée) est l’ouvrage de la sociologue et directrice de recherche au CNRS, Margaret Maruani, “Travail et emploi des femmes”, paru en mars 2000 aux éditions La Découverte. Or, il existe des études plus récentes dont les conclusions sont différentes. La dernière en date que nous ayons pu trouver remonte à 2006, mais peint un portrait fort différent des salariés payés en Smic : elle constate également une prépondérance de “smicardes”, mais elles représentent 56,% des salariés au Smic contre 43,6% pour les hommes. Au regard de cet écart, les chiffres vieux d’une année cité par Jean-Luc Mélenchon à Marseille quant aux accidents du travail suivis d’une incapacité permanente relèvent du petit oubli de mise à jour.


Illustration par Loguy pour Owni /-)

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