OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 [Bon goût] Artwork : la Soucoupe vous gâte http://owni.fr/2010/11/13/bon-gout-artwork-la-soucoupe-vous-gate/ http://owni.fr/2010/11/13/bon-gout-artwork-la-soucoupe-vous-gate/#comments Sat, 13 Nov 2010 08:00:00 +0000 Loïc Dumoulin-Richet http://owni.fr/?p=27906 Le choix de l’artwork est un moment délicat dans le processus créatif de tout œuvre musicale. Il est en effet l’un des éléments majeurs associés au disque, et véhiculera une grande partie de l’image de l’artiste. Parfois, on se demande ce qui a pu se passer dans le processus pour que certaines pochettes soient validées et finalement commercialisées. Et c’est ça qui est beau. Oui, beau.

Ci-dessous vous trouverez un florilège (mal)heureusement non-exhaustif des pires visuels de disques jamais publiés, choisis par les habitants de la “Soucoupe”, l’environnement où les équipes d’OWNI évoluent au quotidien. Bon appétit.

Tom : génie du codage mais également esthète devant l’éternel, il nous gratifie de propositions simples, mais moches. Mais simples. Mais moches.

Ophélia : on pourrait la croire aussi délicate qu’une orchidée en fleurs, mais détrompez-vous. Cette femme saura vous choquer.

Pirhoo : On dit merci et bravo au monsieur pour sa participation. En vrai il a bon goût ceci dit…Là, il nous apprend que certaines pochettes ont finalement été modifiées pour leur commercialisation. On comprend aisément pourquoi.

Marion : Un choix moderne, récent, élégant et poilu pour notre charmante designer. Ses productions sont bien plus élégantes, rassurez-vous…

Lara : notre coordinatrice artistique aime les bonnes choses. Elle a aussi l’oeil pour les moins bonnes. La preuve.

Martin : En scientifique averti, il nous a confié en exclusivité que la pochette du dernier Prince était “immonde à 40%” “atroce à 30%” et “dégueu à 30%”.

Nicolas KB : on peut être qualifié de “Justin Bieber du datajournalisme” et savoir revenir aux vraies choses. Le folklore moldave, notamment.

Olivier : Hipster devant l’éternel, il ne manque pas d’égratigner les porteurs d’une hype surestimée. Aïe les yeux.

Valentin : King Of Pop peut-être, king of kitsch, sans aucun doute.

Loïc : Il me semblait difficile de passer à côté de l’immondice offerte par le finaliste d’American Idol 2008, un garçon distingué et de bon goût comme vous pouvez le constater.

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La musique, c’est plus ce que c’était http://owni.fr/2010/07/05/la-musique-cest-plus-ce-que-cetait/ http://owni.fr/2010/07/05/la-musique-cest-plus-ce-que-cetait/#comments Mon, 05 Jul 2010 12:35:34 +0000 Laurent Chambon http://owni.fr/?p=21144 Alors qu’il y a encore dix ans je sortais plusieurs fois par mois pour aller danser, ces dernières années mes sorties se sont ralenties. Non pas parce que je suis marié ou que j’ai vieilli (même si c’est vrai qu’on récupère moins bien à 38 ans qu’à 22 et qu’on est moins motivé quand on est casé), mais parce que la musique me gonfle. Sérieusement. Je pensais être devenu une Bitter Queen quand je me suis rendu compte que je n’étais pas le seul, et que de plus en plus de jeunes ne veulent plus aller danser non plus. Même les pédés les plus fêtards se plaignent: non seulement avec l’interdiction du tabac on doit supporter l’odeur corporelle des gens, mais surtout les DJs arrivent à vous ennuyer même quand vous prenez de la drogue (et croyez-moi, à Amsterdam, certaines folles prennent vraiment beaucoup de drogue). Alors?

Je vais probablement recevoir plein de messages de gens qui me diront que je me trompe, que telle soirée est sublime et que je devrais aller me remuer le popotin avec DJ Untel au Club Bidule tellement c’est gé-nial, mais le constat semble hélas partagé: le niveau de la musique qu’on vend et qu’on joue en public a baissé terriblement. J’ai ma théorie, basée sur la pratique de la chose, que je vais vous exposer. Libre à vous de la critiquer, la réfuter ou l’améliorer.

Disco!

La première chose à faire dès qu’on parle de musique et de danse, c’est d’aller écouter de la bonne vieille disco. Car on a tendance à oublier qu’il y a eu certes beaucoup de merdes, mais qu’il y a eu aussi énormément de choses très bonnes et excellemment produites. Ce qui me fascine, outre le fait qu’ils arrivaient à régler tous ces instruments sans ordinateur, ce sont les orchestres: des trombones ici, des flutes là, des violons partout. Ça me rend jaloux et je me sens un peu merdeux face à ces trombones en stéréo. J’adore l’électronique et j’ai grandi avec Oxygène et Radioactivity, mais le son d’un vrai orchestre avec des vrais instruments joués par des musiciens professionnels ça reste très beau et très impressionnant. Surtout si c’est joué fort dans un club où le son est adapté à l’espace et qu’un ingénieur du son a réglé tous les caissons au millimètre: c’est forcément beau et sensuel, qu’on aime ou pas la disco.

Il y a certains disques de la période décadente de la disco qui ont des plages d’une dizaine de minutes, où tout est joué d’une traite, vu que tout est fait à la main, sinon ça ne serait jamais synchronisé comme il faut. Le producteur a été obligé d’écrire les partitions de dix minutes pour chaque instrument, de la batterie à la basse, du violoncelle à chacun des trombones, de l’alto à la flûte traversière. Forcément, ça demande un background musical particulier. Même si on écrit de la merde et que la chanteuse a couché pour y arriver, ce n’est pas donné à n’importe qui de gratter dix minutes de disco sur une portée, de connaître les tessitures de chaque instrument, de trouver les financements pour réunir un orchestre, et de mixer ça en studio avec les instruments électriques, la voix de la diva et les chœurs.

En fait, malgré les ordinateurs et les logiciels époustouflants dont nous disposons maintenant, on ne peut pas dire que la qualité musicale des disques sortis en 2010 soit supérieure à celle des disques sortis il y a trente ans. C’est même plutôt le contraire qui est vrai: les arrangements, le sens du son et de l’espace, les mélodies et le groove sont beaucoup plus riches à la fin des années 1970. Quoiqu’on pense de ce style de musique, on atteint alors une apogée de la qualité sonore et musicale inégalée depuis. Et pourtant, ce n’est pas que je sois réactionnaire: je déteste ces années, tout comme les années 1980 me plongent dans des crises d’angoisse terribles.

Lorsqu’on a commencé l’enregistrement de notre album, « Überlove », avec Lewis, on voulait faire un disque avec les sons qu’on aime, sur lequel on peut danser, et avec des mélodies qu’on pourrait chanter sous la douche. On a fait plusieurs choix dès le début: n’utiliser que des instruments logiciels (on avait un petit appartement et déjà trop de câbles partout), utiliser des sons simples et n’utiliser aucun son d’usine (par snobisme, probablement). On a aussi préféré utiliser notre budget pour voyager et faire des rencontres musicales plutôt qu’investir dans du matériel qu’on ne saurait jamais utiliser. Notre album est entièrement monté dans un programme qui date des années 1990: la plupart des programmes qui sont sortis depuis permettent des choses techniques impensables avant, mais ne permettent pas d’améliorer l’essentiel, c’est à dire la qualité des compositions, le groove des rythmes et la beauté des harmonies. Dit crûment: un nouveau Mac et la nouvelle version de Logic Pro n’allaient pas nous aider à écrire des chansons plus belles. Au contraire même: plus on passe de temps à bidouiller avec un programme, moins on en consacre à améliorer la qualité des compositions. On est restés avec nos programmes simplissimes et on est allés à Paris, en Scandinavie, à Detroit et à Lisbonne faire des chansons et des remixes avec plein de gens différents.

Compression

Avant de finir notre album, nous nous sommes retrouvés avec plusieurs versions de chaque chanson, que nous avons testées en concert et dans les clubs. Et ce qui m’a frappé, c’est que plus on est proche du son d’un orchestre classique, plus c’est beau et clair. Pas trop d’effets, des sons aussi simples que possible, mais situés correctement dans l’espace: des fréquences allant des infra-basses (pour encourager le sentiment religieux) aux sons aigus à peines audibles (pour donner de la dynamique), une utilisation de la stéréo d’autant plus large qu’on monte vers les aigus, et surtout, ne pas trop compresser.

Pour ceux qui ne connaissent pas, la compression est une étape qui permet de rendre audible les parties ayant peu de volume (qu’on risque de ne pas entendre s’il y a du bruit) et de limiter les parties trop fortes (et éviter qu’elles saturent). Pour avoir une idée de la compression utilisée avec excès, pensez aux voix des animateurs de radios FM «jeunes» ou les publicités sur les télévisions commerciales: même le silence est bruyant.

La compression est utilisée par les médias commerciaux pour s’assurer que le niveau sonore reste constant, mais aussi parce que ça donne une impression d’énergie et de puissance que les gens sans culture musicale aiment beaucoup. Moi, ça me fait penser à ces films d’action avec trop de budget: à la vingtième série de voitures qui explosent, l’effet de surprise s’émousse et on finit par bailler. Une musique trop compressée c’est comme un film d’action où il y a trop d’action: au bout d’un moment ça ne fait plus rien.

Dans un bon club, le niveau sonore est tel qu’on peut se permettre de jouer des morceaux peu compressés: quand ce n’est pas fort on l’entend quand même, et quand c’est fort ça ne sature pas forcément.

Comme une belle salle de concert est l’écrin parfait d’un orchestre symphonique, le club est l’endroit idéal pour jouer de la disco, au point qu’on n’a pas trop besoin de compression.

Avec l’arrivée des iPods et leur utilisation de masse, il a fallu changer la façon dont la musique était mixée pour s’adapter à ce nouveau support. Comme on les écoute dans un environnement sonore qu’on ne contrôle pas (la rue, le métro, la nature…), il faut que tout soit suffisamment compressé pour qu’on puisse entendre chaque partie musicale. Il manque donc une chose importante que nous avions avec les chaînes stéréo à papa qu’on écoutait religieusement dans le salon ou avec les clubs: une variation importante du volume sonore.

Le support

Un deuxième facteur important est la qualité du support. J’entends souvent que rien ne remplace le vinyle, que le disque compact c’est froid et moche. Ce n’est pas vrai. Le disque compact permet d’enregistrer en stéréo et avec une quantité d’informations musicales assez impressionnante la plupart des fréquences audibles: si le son est moche, c’est parce que le producteur et l’ingénieur du son ont été nuls, point.

Par contre, un fichier mp3 (ou aac, peu importe) n’offre pas la qualité sonore que peut offrir un CD, pour la simple raison qu’on a enlevé les neuf dixièmes des informations. Certes, on reconnaît la chanson, et avec un mp3 de qualité maximale on entend toutes les fréquences (vous vous souvenez des premiers mp3 qui niquaient les aigus et les basses?), mais ceux qui disent qu’il n’y a aucune différence sonore devraient se déboucher les oreilles.

Quand notre album a été fini, je suis allé en Finlande, à Lappeenranta, pour le mastering. Lappeenranta, c’est une ville paumée en Carélie du Sud, près de la Russie, où le week-end on prend sa voiture pour aller manger un burger dans une cabane (LE resto à hamburgers de la ville) dans la forêt en jouant du hard rock à fond. En semaine on bosse pour l’usine à papier et on s’envoie des textos par Nokia interposés, c’est tout. C’est aussi la capitale du hard rock nordique et russe: tous les métalleux chevelus vont y enregistrer et mixer leur musique. Notre co-producteur y connaissait plein de gens, et notre ingénieur du son n’avait jamais mixé de la pop ni de la house avant nous. Je pense même qu’il n’en avait jamais vraiment trop entendu non plus. Il avait donc une oreille totalement vierge et il nous a pondu un master comme je voulais, et pas comme ce qu’un producteur de house pense que ça devrait sonner.

Le mastering, c’est la dernière étape avec la production du CD, mais elle est très importante: un ingénieur compresse les chansons (dans notre cas, pas trop, donc), égalise les fréquences, corrige les petites distorsions, et s’arrange pour que les chansons soient au même volume. On a passé plusieurs jours à peaufiner ce qu’il avait déjà fait, je l’ai presque fait pleurer à vouloir garder toutes mes infra-basses, même celles qu’on n’entend pas, et il m’a mis des mp3 sur une clé pour que je puisse vérifier. Les jours qui ont suivi, j’ai réécouté nos chansons dans mon iPod, et j’étais à la fois impressionné par son travail (on entendait des instruments qui avaient disparu, les rythmes étaient plus pêchus, la voix de Lewis était vraiment magnifique sur certains morceaux), mais en même temps j’étais déçu. Je ne savais pas trop pourquoi, j’avais une déception qui ne voulait pas partir, et que je n’arrivais pas à identifier.

Le CD est mort mais comment le remplacer ?

Et puis, rentré à Amsterdam, j’ai mis le CD dans ma mini chaîne Sony de salon, juste pour voir, en me disant que de toutes façon avec nos iPods on finirait par ne plus jamais utiliser cette machine, et tout à coup j’ai compris. Dès que j’ai appuyé sur «Play», j’ai retrouvé les volumes sonores sur lesquels on avait travaillé tellement dur, j’entendais à nouveau les petits instruments que j’avais mis partout. J’étais tellement soulagé.

Quand le disque est sorti, j’ai bien sûr été écouter nos chansons sur toutes les plateformes de distribution en ligne. Parfois c’était relativement acceptable (iTunes ne s’en sort pas trop mal), mais parfois c’était du meurtre musical. Non seulement cela rendait nos chansons moches voire désagréables (on n’entend que la voix, les basses ont disparu et les percussions sont irritantes), mais personne ne pouvait soupçonner qu’on ait pu passer tellement de temps à construire quelque chose d’un peu subtil avec des volumes et des centaines de pistes sonores.

Comme je sais exactement de quoi sont faites nos chansons, je peux me permettre de le dire: je ne comprends pas qu’on puisse payer pour des fichiers aussi merdiques.

Le problème, c’est que le CD est sorti au moment où les magasins ont plus ou moins cessé d’en vendre. La première semaine j’ai vu quelques piles de notre disque à la Fnac et au Virgin Mégastore, et puis quand je suis retourné ensuite, la plupart des bacs avaient disparu. À la Fnac, il y avait un présentoir en carton avec des piles de disques de Carla Bruni, une autre pile avec le dernier Madonna, et un bac en désordre caché derrière celui des DVD. J’ai demandé au vendeur s’il avait mon disque: l’ordinateur disait que oui, mais impossible de savoir où il était dans le magasin. «Allez à une autre Fnac, ils savent peut-être encore où sont leurs disques.»

Quelques fans m’ont écrit au même moment: soit le disque vendu en ligne n’est jamais arrivé, soit il est arrivé avec une pochette sérieusement abîmée (alors qu’avec Pierre Marly, le designer, on a passé plusieurs mois à la peaufiner). J’ai fini par leur envoyer des disques moi-même, à mes frais. L’histoire de notre disque compact depuis sa sortie: impossible à trouver dans un magasin, difficile de se le procurer en ligne.

Logic et Auto-tune

Maintenant, pour comprendre pourquoi la plupart des nouvelles musiques nous ennuient, il faut aussi comprendre les outils avec lesquels elles sont fabriquées. Parmi les logiciels les plus utilisés, il y a Logic d’Apple et Auto-tune d’Antares.

Logic, dans sa version Pro est un truc énorme (plus de 50 Go) avec plein de sons en superstéréo, des instruments virtuels à n’en plus finir et des milliers de plugins qu’on peut trouver en ligne. Si vous voulez le son de Black Eyed Peas, il suffit d’acheter le plugin qui a la plupart des sons et des effets, des rythmes pré-programmés par des ingénieurs du son (c’est comme ça que beaucoup payent leur loyer) et des effets tout prêts. Pareil avec le dernier Lady Gaga ou le prochain 50 Cent. Avec quelques heures d’apprentissage, on peut sortir des choses dont le son est du même niveau que ce que vous entendez dans votre iPhone ou sur Spotify. On peut même compresser tout ça et le masteriser de façon standard pour le sortir directement en mp3, plus besoin d’ingénieur du son. Logic permet à un producteur talentueux de réduire les coûts de production au minimum, mais il autorise aussi n’importe qui, même sans talent aucun, à sortir une crotte musicale qui est parfaite au niveau sonore.

Auto-tune, c’est un programme relativement intuitif qui corrige la tonalité des fichiers audio. Sa première utilisation remarquable s’est faite il y a plus de dix ans avec « Believe », le tube du « retour » de Cher. L’eurotrash en a abusé (Eiffel 65 et « Blue »), et puis le hip hop s’y est mis (d’abord avec T-Pain, puis avec Kanye West). C’est un genre, et ça permet aussi de corriger quand la voix est un peu en dehors du ton. Personnellement, je pense que son utilisation ultime et la plus géniale est japonaise, avec le groupe Perfume (パフューム), dont l’idée directrice est d’avoir l’air kawaii (mignone/gentille) et de sonner autant que possible comme un jeu vidéo. Tant qu’à avoir l’air faux, autant y aller à fond, non?

Le problème, c’est que tout le monde s’y est habitué et que c’est devenu plus ou moins obligatoire: dans la série américaine Glee, quand les acteurs se mettent à brailler des reprises pop, les voix sont tellement auto-tunées pour plaire au public qu’on a l’impression que ce sont des robots qui chantent. Moi, ça m’angoisse ces voix plates et hyper dans le ton.

Surtout, Auto-tune modifie vraiment le timbre de la voix. Avant d’aller en Finlande, j’avais eu une crise d’angoisse à propos de Lewis, qui chante très bien et aussi dans le ton, mais qui n’est jamais aussi précis que les filles robotisées de Perfume (duh). J’ai alors passé la nuit à passer sa voix à l’auto-tune. Le résultat était fascinant: on ne le reconnaissait pas, et surtout les chansons étaient terriblement ennuyeuses. J’ai gardé l’auto-tune sur une seule chanson (In My Life), où cela donnait vraiment très bien, mais j’ai jeté le reste.

Je pense que l’autotune a les mêmes conséquences que la compression ou le passage au mp3: c’est super pratique, mais trop souvent ça tue la musique, ça lui enlève sa richesse et sa profondeur.

Retomber amoureux sur le dancefloor ?

La musique a donc subi récemment des transformations majeures: compression des morceaux pour les rendre plus audibles dans les lecteurs mp3, compression des fichiers (mp3 ou aac au lieu d’un wave ou aif) pour stocker dix fois plus de musique, disparition de la distribution grand public des autres formes de support, baisse du coût de production (un coût d’entrée faible implique aussi, hélas, une sélection quasiment nulle), coût de distribution réduit à néant (ce qui permet à n’importe qui de se faire distribuer en ligne) et généralisation des correcteurs de tonalité qui rendent la plupart des vocaux inintéressants.

Bien sûr, il continue d’y avoir des morceaux magnifiques. L’année dernière j’étais tombé amoureux de « We Are the People » d’Empire of the Sun, cette année je tanne tout le monde avec « Tightrope » de Janelle Monáe (j’adore aussi la vidéo où elle danse avec grâce: à partir de la 3ème minute je suis dans l’idolâtrie totale). J’ai réussi à trouver plein de versions improbables de ces chansons, mais la plupart de sont plus disponibles en CD. Je me contente donc d’imaginer le son que ça doit avoir en club, sans jamais les y entendre..

Donc oui, il y a tellement de forces qui permettent de sortir des merdes avec un son pourri que ce n’est pas étonnant que le niveau moyen baisse, qu’on s’ennuie en club et que même avec plein de drogue les folles vont d’une soirée à l’autre à la recherche de chansons desquelles tomber amoureux.

D’ailleurs, maintenant, quand on nous propose d’être DJ dans un club, on nous demande presque à chaque fois de venir avec nos câbles et notre ordinateur: il n’y a presque plus de platines vinyle et très peu de lecteurs CD. Et beaucoup de DJs que je connais se contentent de graver sur CD les mp3 glânés sur le net pour avoir l’air rétro, sans se rendre compte que c’est juste de l’amplification de soupe.

Si vous surprenez des petits jeunes qui se mettent à adorer la house de ma jeunesse ou la disco de mon enfance, quitte à chercher de vinyles ou des disques compacts, ce n’est pas que la jeunesse est devenue ringarde, c’est juste que certains veulent offrir de la nourriture musicale un peu plus noble à leurs oreilles et qu’il n’y a plus d’autre moyens.

« Ah, mes petits, si vous saviez, de mon temps on tombait amoureux d’une musique sur le dancefloor, je vous assure… »

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Billet originellement publié sur Minorités.org par Laurent Chambon, sous le titre “La musique nous gonfle“.

Crédits Photo CC Flickr : Rolling Stone 2009 (couv), Maxw, Danielle Blue, AytonD-Kav.

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Vous pouvez d’ors et déjà découvrir la page de lancement d’une nouvelle soucoupe, qui traitera de musique ! A découvrir dès maintenant un titre inédit de Edwin Starr, Burns Like Fire, en attendant de nouvelles aventures /-)

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Musique: où est-ce qu’on paie? http://owni.fr/2010/06/21/musique-ou-est-ce-qu%e2%80%99on-paie/ http://owni.fr/2010/06/21/musique-ou-est-ce-qu%e2%80%99on-paie/#comments Mon, 21 Jun 2010 08:41:51 +0000 Jean-Noël Lafargue http://owni.fr/?p=19333 La numérisation est un problème pour la musique depuis ses débuts, enfin depuis la seconde moitié années 1980 et l’apparition du disque compact audio. On nous disait que c’était le support miracle, qu’en écoutant Tannhäuser sur CD, on pourrait percevoir distinctement le son des feuilles des partitions et entendre les déglutissements d’Herbert Von Karajan. Un son si clair, si précis, que rien ne nous échapperait, le nirvāna des mélomanes les plus exigeants. Plus miraculeux encore, ce support était immortel. Je dis bien « était », car il ne l’est pas resté bien longtemps.

J’ai pris mon temps avant de venir au CD, car c’était très cher. Mon premier poste avec lecteur de CD date, je pense, du début des années 1990. Si les platines CD étaient hors de prix, les CD audio l’étaient aussi, et ils le sont restés. Je me souviens qu’un disque « 33 tours » valait quelque chose comme trente ou quarante francs alors que le CD audio, qui coûte pourtant moins cher à produire, se vendait au delà de cent francs. Les prix des CD neufs n’ont pas varié. Nous nous sommes cependant vite habitués à ces tarifs extravagants, nous avons reconstitué nos collections (puisque nous jetions nos platines vinyle, il fallait bien retrouver nos albums préférés sur ce nouveau support) et la musique enregistrée a connu une période faste, atteignant sans doute le plus incroyable chiffre d’affaires de toute son histoire, sans que cela profite toujours aux musiciens actuels. Comme l’a dit le batteur Manu Katché (1) :

La politique de certaines majors (…) a été de faire du fond de catalogue pendant des années, rééditant des trucs mille fois entendus, le tout emballé dans de pauvres pochettes faites à la va-vite. Je pense qu’ils ont fait plein d’erreurs et se rendent compte, au final, qu’ils sont en train de perdre leur pouvoir.

Le CD, cher et pourtant insatisfaisant

Pourtant, ce support s’est révélé assez insatisfaisant : même s’ils sont très solides, les CD seront un jour tués par l’oxydation, alors que les 78 tours de mes arrière-grands parents resteront toujours écoutables. Ce n’est pas tout. Les boitiers « cristal », qui sont les plus communs, sont fragiles et se cassent au premier choc. Leurs pochettes sont trop petites et elles ont cessé de nous faire rêver : impossible d’essayer d’identifier tous les personnages qui se trouvent sur la pochette de Sergent Pepper une fois le disque réduit de 60%. Les pochettes des 33 tours véhiculaient toute une culture de la musique que les livrets des CD n’ont jamais su remplacer à mon avis. Quand au son, les spécialistes disent parfois qu’il manque de la chaleur des disques analogiques et qu’il est mauvais dans les aigus, mais il est possible malgré tout que la qualité moyenne d’écoute des disques se soit améliorée depuis le CD, car la plupart des gens utilisaient des tourne-disques de qualité plutôt médiocre.

Pendant les années qui ont suivi, l’industrie a régulièrement tenté d’imposer de nouveaux supports numériques : le DAT, le MiniDisc ou encore le Super Audio CD. Mais la véritable révolution est venue d’aileurs : autour de 1995, il est devenu courant que les ordinateurs personnels soient équipés d’une carte son. Les systèmes « alternatifs » tels que le Macintosh, l’Atari ST ou l’Amiga étaient dotés de cartes sonores depuis longtemps, mais pour les PC dits « compatibles IBM », la chose ne date donc que de quinze ans. Par ailleurs, c’est aussi l’époque où les ordinateurs ont commencé à être équipés de lecteurs de CD-ROM (capables aussi de lire les CD audio et donc de les convertir en formats compactés) puis de graveurs de CD-ROM.

En partant faire mon marché ce matin je suis tombé sur ce CD audio "maison", abandonné sur la chaussée.

Il a fallu attendre encore quelques années pour que cela fonctionne vraiment bien — imaginez qu’à une certaine époque, lorsqu’on lançait un jeu vidéo, il fallait indiquer à celui-ci la marque et le modèle de notre carte son (et malheur à nous si elle n’était pas dans la liste) —, et cette période a correspondu avec l’explosion du réseau Internet, mais aussi celle du format de fichiers MP3 (qui permettait de ramener un titre musical à deux ou trois méga-octets contre une vingtaine pour un titre non-compressé) puis des systèmes d’échanges de fichiers en peer-to-peer : Audiogalaxy, Napster, Gnutella, eMule, BitTorrent, Kazaa, etc.

Puis vint l’échange de fichiers peer-to-peer

Au début, tout était très long et comportait une part de magie : trois personnes dans le monde possédaient un titre musical précis de manière complète, quelques autres personnes n’en avaient que des bribes, et le logiciel nous faisait télécharger un petit bout ici, un petit bout là… Nous sommes tous devenus un peu boulimiques, ne serait-ce que parce que le système était imparfait : pour être sûr d’avoir un morceau, il fallait parfois en télécharger plusieurs versions, dans des qualités diverses, parfois endommagés (à une certaine époque les maisons de disques se sont mises à diffuser des titres intentionnellement altérés, coupés, tronqués, ou, fin 2004, agrémentés d’un message d’Ariel Wizman vantant les mérites de la propriété intellectuelle).

J’ai passé des nuits à regarder des jauges colorées progresser, n’osant aller me coucher qu’à l’aube, à l’instant ou tel ou tel morceau atteindrait les 100%, ou lorsqu’une personne en train de le télécharger chez moi aurait eu fini de le faire, car oui, il s’agit réellement de partage. De nombreux morceaux que j’ai téléchargés n’étaient pas piratés ni volés selon mon jugement : je les avais déjà sur CD ou sur vinyle (j’en avais acquis la licence d’utilisation donc), j’aurais tout à fait pu prendre le temps de les enregistrer sur mon disque dur.

Pour d’autres morceaux, je me sentais moralement dans mon droit : Verruschka, par Edda del’Orso et Ennio Morricone, Saudosa Malauca par une dénommée Marlene ou les chansons swing d’Irène de Trébert n’existaient pas autrement — à l’époque en tout cas —, je n’aurais jamais pu me les procurer sur CD. Enfin, il m’est arrivé de nombreuses fois de télécharger des morceaux pour me documenter, pour voir ou pour rire, enfin pour les écouter, mais certainement pas dans l’idée de les conserver. Il a commencé à être normal pour moi de tout savoir, de me constituer une culture musicale dans des registres que je n’aurais pas pu explorer autrement : chanson réaliste des années trente ou chanson bollywoodienne par exemple… J’ai pu explorer le monde de la musique sans guide, sans aide, sans circuit tout tracé, un peu comme on découvre des livres au hasard dans une bibliothèque. Et j’ai plutôt aimé ça.
L’ouverture culturelle que le partage de fichiers a permis est peut-être ce qui a fait le plus de mal à l’industrie musicale, qui préfère vendre un morceau musical à un million d’exemplaires que cent morceaux différents à dix mille exemplaires en moyenne et qui a donc tout intérêt à ce que ses clients ne soient pas trop mélomanes, tout comme McDonald’s et Kentucky Fried Chicken n’ont pas grand intérêt à faire de leurs clients des gastronomes. Bien entendu, la plupart des gens qui travaillent dans les maisons de disques aiment intensément la musique, mais ce qui réunit les actionnaires de Sony-BMG, EMI, Universal et Warner est plus la perspective de profit que l’amour de l’art.

Avec leur film "Intersella 5555", les Daft Punk placent derrière l'industrie de la musique un homme d'origine extra-terrestre qui collectionne l'or dans le but de conquérir l'univers entier. Les artistes, à qui il fait perdre toute joie de vivre et jusqu'au souvenir de ce qu'ils sont, sont ses victimes.

Cependant, malgré les bonnes raisons que je me donnais, je n’étais pas spécialement fier de moi d’un point de vue purement moral : un titre téléchargé sur Audiogalaxy ne rapporte rien à son auteur et je n’ai jamais pu l’ignorer.
Dès que ça s’est avéré possible, j’ai commencé à acheter des morceaux numériques, sur des plates-formes telles que VirginMega ou Fnacmusic ou encore JAM Label, qui a déposé le bilan il y a trois ou quatre ans. Je ne suis pas passé par la boutique iTunes car le format de fichier vendu par Apple ne fonctionne ensuite qu’avec les baladeurs iPod et le logiciel iTunes.

Forcé de « cracker » des fichiers dont je suis pourtant le propriétaire légitime

Ma consommation de morceaux « légaux » a été un peu pingre : je n’ai acheté que les titres que je voulais acheter, à l’unité, — quasiment jamais d’albums complets — et toujours par conviction morale, en sachant pertinemment que j’aurais pu me les procurer autrement. En deux ou trois ans, j’ai dû acheter plus d’une centaine de titres (au prix d’un euro chaque fois), mais guère plus.
Et puis un jour j’ai changé d’ordinateur. Lorsque j’ai récupéré tous mes fichiers musicaux, ceux-ci m’ont averti qu’ils devaient télécharger leur licence (c’est à dire demander au serveur du distributeur si j’avais le droit de les utiliser). Cela a bien fonctionné, mais mon système avait un défaut et j’ai dû reformater mon disque une fois, puis deux… Pour apprendre ensuite à mes dépens que les titres que j’avais acquis ne voudraient, ne pourraient plus jamais être lus : les changements de mon système d’exploitation étaient considérés comme une diffusion sur plusieurs machines. Il y aurait en fait eu une manipulation à faire — trouver le dossier contenant les DRM, puis le sauvegarder et le transférer sur le nouveau système… Mais je ne savais rien de tout ça.
C’est un peu comme si mes CD audio avaient cessé de fonctionner après que j’ai changé de tourne-disque ou après que mon disquaire ait eu déposé le bilan — c’est arrivé aux malheureux qui ont acheté de la musique en ligne par l’intermédiaire du service créé par Wallmart : lorsque ce service a disparu, la musique achetée par son entremise est devenue caduque.
Expérience désagréable. Je me suis procuré par la suite un logiciel permettant de supprimer la protection DRM de mes fichiers, mais la situation n’a rien d’agréable : forcé de pirater, de « cracker » des fichiers dont je suis pourtant le propriétaire légitime.

Toujours dans Interstella 5555 (Kazuhisa Takenouchi/Leiji Matsumoto/Daft Punk, 2003), le diabolique comte de Darkwood finit par être victime de sa propre obsession de l'or. Le Duo Daft Punk a toujours été en lutte contre l'organisation de l'industrie musicale et, notamment, contre la Sacem.

J’achète encore un peu de musique en ligne, mais uniquement lorsqu’il est possible de l’obtenir au format MP3, qui n’est pas protégé. Pour l’essentiel, je consomme à présent la musique sous forme de flux à la demande, c’est à dire à l’aide de plate-formes telles que Deezer, Jiwa et Spotify. On n’y trouve pas tout mais il y a beaucoup de choses et, donc, les auteurs perçoivent une rémunération pour chaque écoute, ce qui a un avantage théorique pour eux : un même morceau, avec le même auditeur, peut rapporter des royalties autant de fois que l’auditeur aura écouté le morceau, tandis qu’une acquisition de licence (disque, morceau téléchargeable) est unique et définitive.

Le streaming ne rapporte quasiment rien aux artistes

Tout est au mieux dans le meilleur des mondes avec la musique en streaming ? Pas sûr ! Un ami qui travaille pour l’industrie musicale attire mon attention sur le fait que le streaming ne rapporte quasiment rien aux artistes : « le stream, c’est un miroir aux alouettes. Les Américains freinent à mort. » J’aurais dû m’en douter : moi-même je ne paie pas pour utiliser Spotify ou Deezer, je ne regarde pas les publicités animées qu’ils diffusent (qui regarde son poste radio ?), je n’écoute que distraitement les pubs audio, qui pour la plupart concernent de la musique, ce qui est faussement approprié au contexte : on n’aime pas spécialement être interrompu par un extrait de morceau musical alors qu’on était en train d’en écouter un autre… L’effet est plutôt répulsif, je ne pense pas avoir cliqué une seule fois sur une publicité de Deezer ou de Spotify, ou alors par erreur, en bougeant une fenêtre et en ne cliquant pas où je voulais cliquer, comme ça arrive parfois. Un modèle économique qui compte sur le fait que les gens cliquent par erreur n’est pas nécessairement très sain.

Il existe des versions « premium » de Deezer et de Spotify, pour lesquelles on doit payer chaque mois, mais je ne sais pas qui y a recours et pour l’instant ils ne me tentent pas spécialement. Mon ami me dit :

Je pense que Spotify et Deezer ont fait des erreurs depuis le début, notamment en rendant pratiquement toutes les options accessibles gratuitement (récemment, celle d’intégrer sa propre bibliothèque, qui rend Spotify concurrent direct de iTunes) alors que c’était un argument supplémentaire pour pousser les utilisateurs à s’abonner.

Alors que je suis en train d'écouter de la house norvégienne, Spotify m'impose une publicité pour le nouvel album de Christina Aguilera. Erreur : si la publicité concernait une boisson ou je ne sais quoi, j'aurais pu l'associer au plaisir de la musique que j'étais en train d'écouter, mais si on interrompt ma lecture pour me parler d'un autre genre de musique, j'ai du mal à y voir autre chose qu'un parasite.

Les chiffres sont en effet assez navrants. Lorsque j’écoute un morceau sur Spotify, son auteur va percevoir 0,00025 dollars. Il faudra que j’écoute ce même morceau quatre mille fois pour que l’auteur perçoive un dollar ! Avec Last.fm, la rémunération est deux fois plus importante : 0,00050 dollars soit 5/10000e d’un dollar. Avec Rhapsody, dédié aux artistes « indépendants », la rémunération atteint un cent par titre écouté, soit un dollar pour cent téléchargements : pas mal, comparé à toutes les autres plate-formes du genre.
Pour un titre téléchargé au tarif de 1 dollar sur iTunes ou sur Amazon, l’artiste perçoit aussi 1 cent, ce qui peut sembler assez médiocre. J’ignore combien perçoivent les maisons de disques qui se sont entendues avec Apple et Amazon sur de tels tarifs.
Passons aux supports physiques. Pour un CD « single » qui est vendu 5 dollars en magasin, la rémunération oscille entre 1,5 cent et 5 cents, selon le contrat. Le meilleur rapport, c’est le CD auto-produit et auto-diffusé, qui rapporte 80% de son prix à l’artiste. Selon ces chiffres, donc, vendre 143 CD auto-produits rapporte la même chose que d’être téléchargé 4 549 020 fois sur Spotify. Ouille !

Le meilleur rendement est peut-être celui des procès

Ceci dit, le meilleur rendement est peut-être celui des procès : la Recording Industry Association of America (RIAA) a fait condamner des internautes à des amendes qui dépassent l’entendement : 1 920 000 dollars pour 24 titres téléchargés par une dénommée Jammie Thomas (80 000 dollars par titre) et 675 dollars pour 30 titres téléchargés par un vingt-cinquenaire nommé Joel Tenenbaum (22 500 dollars par titre). Évidemment, ces amendes ne seront pas réellement payées, ceux qui y sont astreints n’en ayant pas du tout les moyens : il s’agit juste de faire des exemples et de semer la terreur dans les chaumières. On peut tout de même s’interroger sur les cours de justice qui calculent de tels montants : dans tous les systèmes judiciaires du monde, les amendes sont proportionnées au préjudice subi, or réclamer 80 000 dollars pour un bien qui rapporte un million de fois moins sur iTunes semble précisément disproportionné.
En fait je connais un cas encore plus rémunérateur : un ami musicien (appelons-le Florent P*, même si ça n’est pas son véritable nom) a perçu pendant six mois des droits très importants pour une chanson homonyme d’un titre qu’il avait déposé à la Sacem. Musicien professionnel mais peu fortuné, il n’avait pas eu le cœur de signaler à la Sacem ce trop-perçu illégitime de près d’une dizaine de milliers d’euros. Si je ne dis pas de bêtises, dix mille euros pour zéro titre est un ratio qui tend vers l’infini.

Et pendant ce temps-là, dans les supermarchés, on doit subir un R’n’B souvent médiocre et que l’on n’a jamais réclamé. Contrairement à ce que certains imaginent, cette diffusion-là n’est pas gratuite non plus. D’une part, la station de radio, financée par la publicité, reverse des royalties à la Sacem (en indiquant précisément quels morceaux ont été diffusés), et d’autre part le supermarché reverse lui aussi une somme forfaitaire importante à la Sacem, mais sans détailler les morceaux diffusés. L’argent sera redistribué entre ses sociétaires (et, disent les mauvaises langues, ses cadres et ses dirigeants) au prorata du succès des artistes. L’argent versé par le supermarché est répercuté sur le ticket de caisse.

On peut appeler ça une rente, on peut aussi trouver ça légitime même si l’équation ne manque parfois pas de bizarrerie : ma supérette, que je ne fréquente pas spécialement pour écouter de la musique, m’impose (et c’est quasiment de la publicité) une reprise rap horrible de Sweet Dreams ou de Fade to grey, deux titres de ma jeunesse que je supporte mal de voir altérés de cette manière. Une somme d’argent forfaitaire est reversée à la Sacem, qui redistribue au prorata des meilleures ventes de ses adhérents : en fait l’argent revient en grande partie au compositeur de Comme d’habitude. Quitte à favoriser la circulation de l’argent entre supermarchés, maisons de disques, artistes et banques, ne pourrait-on pas le faire en nous épargnant d’avoir à subir de la mauvaise musique quand on fait ses courses ? C’est juste une question.

Où est-ce que je veux en venir, avec tout ça ?

Où est-ce que je veux en venir, avec tout ça ? Eh bien à une autre question que je me pose depuis plus de dix ans, pour laquelle il me semble que l’on n’a pas beaucoup avancé et qu’aucune réponse satisfaisante ne se dégage. La question est : à qui il faut payer ? J’aime la musique, comme tout le monde, j’aime les musiciens, je trouve naturel que ces derniers vivent du fruit de leurs œuvres, je trouve normal que les maisons de disques gagnent de l’argent aussi, en bref je trouve normal d’acheter les disques (mais peut-être pas à n’importe quel prix : 22 euros l’album, c’est beaucoup). Par contre  je ne veux plus de CD audio (j’ai à peine de quoi les lire) et je ne veux pas non plus que les musiciens se fassent escroquer par leurs distributeurs (ni par les maisons de disques, ce qui arrive, dit-on)… Alors quoi ? Je fais quoi ?

(1)Interview dans ParuVendu, 18 mars 2010.


Illustration en tête d’article : le catalogue de l’exposition adonnaM.mp3, qui s’est tenue au DigitalCraft/Musée des arts appliqués de Frankfort en 2003. Le titre de l’exposition fait référence à une pratique qui a eu cours dans le partage de fichiers : modifier l’ordre de la première lettre du nom du fichier pour qu’il échappe au filtrage : Madonna devient adonnaM, Metalica devient etalicaM, etc.

Image de une : Alain Bachellier

Billet initialement publié sur Le Dernier blog

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10 bonnes raisons d’acheter des compacts disques http://owni.fr/2010/03/27/10-bonnes-raisons-d%e2%80%99acheter-des-compacts-disques/ http://owni.fr/2010/03/27/10-bonnes-raisons-d%e2%80%99acheter-des-compacts-disques/#comments Sat, 27 Mar 2010 09:50:09 +0000 Jean Gonzague Saint Broute http://owni.fr/?p=10874 Photo CC Flickr The Artifex

Photo CC Flickr The Artifex

La soucoupe est immensément fière d’accueillir Jean Gonzague Saint Broute, le célèbre futuriste multimédias, diplômé de la JGSB High School of Telematics, « Master of Musical Telematics & Digital Strategy en ligne » et fondateur de la société 3614 Music (ouf !). Le CD n’est pas mort, nous apprend-il dans un billet salvateur.

- Futuriste Multimédias

- Diplômé de la JGSB High School of Telematics, « Master of Musical Telematics & Digital Strategy en ligne ».

- Fondateur de la société 3614 Music.

-Auteur de :

- « Punk Rock : Savoir Gagner pour Réussir grâce aux nouvelles technologies de l’information. » (JGSB Editions)

- « La télématique de demain au service de l’artiste mutimédia d’aujourd’hui. » (JGSB Editions)

- « Sauver le 45 tours à l’heure du numérique » (JGSB Editions)

- « La pop music face au défi informatique » (JGSB Editions)

- « Protocole Ethernet et Musiques Amplifiées » (JGSB Editions)

Outils sociaux interactifs :

Compte Twitter : http://twitter.com/3614music

J’entends de ci de là, dans les colloques, les soirées entre amis et même dans les surprises parties, des voix s’élever pour annoncer la fin du compact disque.

Je dis non.

Je dis erreur.

Ayant le sentiment que l’échange de bonnes pratiques et le débat d’idées nourrissent la pensée unique (qui s’avère la meilleure, puisque tout le monde pense la même chose, ce qui fluidifie les échanges), je vous livre le fruit de mes réflexions en :

10 bonnes raisons d’acheter des compacts disques

Raison N°1

Si tout le monde achetait des compacts disques, il s’en vendrait beaucoup plus (par voie de conséquence). Une solution simple à la crise de l’industrie du disque ?

Raison N°2

Contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, le compact disque se raye. C’est une bonne nouvelle, puisqu’il faut alors le racheter, ce qui relance l’industrie du disque.

Raison N°3

Le compact disque est un objet joli. Sous la lumière, il produit d’étonnants rayons multicolores. Comme un mini concert de Jean-Michel Jarre au creux de votre main.

Raison N°4

Il existe désormais de nombreux meubles fort pratiques, permettant de ranger soigneusement ses compacts disques. Le fameux MP3 ne peut pas en dire autant.

Raison N°5

Le compact disque permet à son possesseur de démontrer à son entourage qu’il le possède. En le montrant, tout simplement. Une consommation ostentatoire en phase avec son époque, permettant d’optimiser votre capital sympathie et/ou le taux d’admiration de vos proches. Mieux : rien ne vous oblige à effectivement écouter votre compact disque pour bénéficier de cet intéressant avantage social. Le MP3 ne peut en dire autant.

Exemple :

Sur les conseils d’un ami très au fait de la bienséance musicale, j’ai fait l’acquisition du compact disque « Tago Mago » du groupe de rock expérimental allemand Can. Je ne l’ai évidement pas écouté, puisque je n’y entends rien au rock expérimental allemand.

Néanmoins, ayant eu vent de l’aura de ces artistes, j’ai laissé le compact disque en évidence, pochette installée verticalement sur ma platine laser (il existe nombre de présentoirs en PVC, fort pratiques).

Un ami audiophile me rend visite:

(extrait de la conversation)

- Ami audiophile : Hé bien, Jean Gonzague, je ne me doutais pas que tu appréciais le rock expérimental allemand. Le « Tago mago » de Can : chef d’œuvre !

- Moi : Détrompe-toi, mon ami, j’en ai fait l’acquisition sur le site Fnac.com et depuis je l’écoute « en boucle », pour ainsi dire !

- Ami audiophile : Hé bien, dis-moi, quelle culture musicale. Je suis épaté. Tu es un ami formidable.

- Moi : C’est très aimable à toi, tu veux des chips ?

Cette astuce simple fonctionne également avec les artistes suivants : Captain Beefheart, Frank Zappa, The Residents, et The Zombies.

Et maintenant, admettons que je dispose de l’album « Tago Mago », du groupe de rock expérimental allemand Can en MP3, sur mon « disque dur externe ».

Un ami audiophile me rend visite :

(extrait de la conversation)

- Ami audiophile : Hé bien, Jean Gonzague, tu as un disque dur externe toi aussi ?

- Moi : Oui, j’en ai fait l’acquisition sur le site Fnac.com. Il fait 80 gigabytes. C’est fort pratique.

- Ami audiophile : Hé bien, dis-moi, ça me fait une belle jambe.

- Moi: C’est très aimable à toi, tu veux des chips ?

Les faits parlent d’eux-mêmes.

Raison N°6

La Raison n°5 est déclinable sur une entière collection de compacts disques. Vous pouvez faire très simplement étalage de votre culture musicale en laissant votre collection bien en évidence grâce au mobilier évoqué en Raison n°4.

C’est un avantage à ne pas négliger puisqu’il vous apportera une aura culturelle forte, à condition de prendre soin d’exposer les tranches des compacts disques à fort potentiel (Can, Captain Beefheart, Frank Zappa, The Residents, et The Zombies) et de dissimuler ceux que vous écoutez réellement (Jean-Jacques Goldmann, Vincent Delerm, Bénabar, Calogero).

Cette astuce ne fonctionne évidemment pas avec les vinyles, dont les tranches sont peu lisibles, et encore moins avec les supports dématérialisés, virtuellement invisibles pour tout visiteur.

Raison N°7

Il est strictement impossible d’échanger des compacts disques via l’Internet, pour une raison fort simple : le PVC dont ils sont composés ne peut transiter par les réseaux de télécommunications, y compris les plus avancés. J’ai moi-même tenté l’expérience. Voilà qui fait la nique aux piratins. Un moyen simple de soutenir l’industrie du disque.

Raison N°8

Les voitures de location sont désormais fournies gracieusement avec un lecteur de compacts disques. Très agréable en voyage, en automobile, et même en « bagnole » comme disent les jeunes.

Raison N°9

En achetant un compact disque, non seulement vous soutenez l’industrie du disque, mais vous contribuez à l’effort industriel et aidez les industries pétrolières, puisque l’objet comporte un boitier PVC très bien pensé.

Un beau geste à peu de frais.

Raison N°10

Le compact disque offre une bien meilleure qualité que le vinyle, faute de quoi il n’aurait pas été inventé et encore moins vendu plus cher. Ne soyons pas naïfs.

Jean Gonzague Saint Broute

Futuriste Multimédias


Courriel : jgsb@me.com

Rejoignez moi sur mon canal Twitter : http://twitter.com/3614music


ND WIMS :

Les opinions présentés par Jean Gonzague Saint Broute sont la propriété de leur auteur et Copyright JGSB Editions.

Elles n’engagent donc que lui.

(non parce que c’est quand même un peu audacieux)

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Billet initialement publié sur Where is my song

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http://owni.fr/2010/03/27/10-bonnes-raisons-d%e2%80%99acheter-des-compacts-disques/feed/ 5
“Peut-on juger un journal par ses lecteurs, un élu par son électorat, un artiste par son public ?” Interview exclusive de Diane Tell http://owni.fr/2009/11/05/interview-exclusive-de-diane-tell/ http://owni.fr/2009/11/05/interview-exclusive-de-diane-tell/#comments Thu, 05 Nov 2009 09:59:48 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=5186 diane21Trouvée par hasard sur la toile, au gré d’un lien et d’un commentaire, Diane Tell m’a beaucoup surpris. L’artiste venue du Québec poursuit son bonhomme de chemin d’artiste engagée depuis un bon moment déjà, et la pudeur m’oblige à ne pas être plus précis, mais surtout se démultiplie en ligne.

Interpellé par son regard critique, lucide et parfois même radical, nous avons eu quelques courts échanges mais il m’en fallait davantage. Disponible, elle a accepté de répondre à mes questions pour Owni.

Attention les yeux, ça pétille !

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Diane Tell bonjour, pouvez-vous vous présenter… en 140 caractères ?

Je le peux, à condition d’y ajouter quelques liens vers ce qui m’est extérieur mais pas étranger ! Je suis ce que j’aime ! Espaces compris !

(140 précisément !) [NDLR : bravo, c'est ce qu'on appelle un twoosh]

On connaissait la chanteuse venue de la Belle Province et installée dans le Pays Basque, j’ai découvert plus récemment votre activité numérique : un blog, un compte Twitter, mais aussi Facebook, MySpace, FlickR, YouTube. Depuis quand assurez-vous votre présence numérique ?

Le numérique est présent, sans interruption, dans ma vie depuis le début des années 80. J’ai acheté en 1981, dès sa sortie, le premier IBM PC avec son processeur à 4,77 MHz, sa mémoire RAM 16K extensible à 64K et son affichage monochrome mode texte uniquement ! (Je l’ai toujours)

ibmpc

Pour ce qui est de ma présence sur la toile, mes premières connections datent de 1996, année de ma rencontre avec Jean-Pierre Joignant mon fidèle collaborateur. Nous avons débuté en ligne avec Zeruko Txalupa , site dédié à notre engagement auprès d’Air Solidarité, rallye humanitaire aéronautique auquel j’ai participé en tant que pilote et marraine de 96 à 99. Les internautes pouvaient suivre le journal du voyage presque en temps réel ! A l’époque en Afrique, pour envoyer une image de quelques dizaines de kilobytes, il fallait s’adresser à un fournisseur d’accès local et lui verser une coquette somme en FR CFA ! Pour les textes, j’envoyais des fax manuscrits et Jean-Pierre mettait en ligne ses transcriptions. Le passage à l’ère du XXIème siècle à peine franchi, j’ai troqué mon casque David Clark de pilote pour un Sony Pro de studio et me suis remise à la musique à plein temps. En 2003, www.dianetell.com version flash est lancé, un site plus axé sur la musique, et en 2008 j’entre dans l’univers des blogueurs du net ! J’ai créé ensuite des pages Web 2.0, sortes de satellites au site principal avec l’avantage d’un hébergement sur un serveur communautaire très populaire.

Pour quelle raison : est-ce par goût personnel, pour vous exprimer en ligne, pour préserver votre image et votre identité numérique, pour entretenir des relations avec vos fans ?

Je ne sais pas s’il est possible de préserver une image sur le net mais il est indéniable que l’on peut y transmettre une impression plus personnelle, plus complète de son travail et de ses idées. Le temps d’antenne des médias classiques est très court. Ma contribution chatouille un peu l’image reçue, le cliché façonné par le temps qui passe et par tout ce qui ne passe pas dans les médias traditionnels. Pour ce qui est des fans, ceux qui suivent mon parcours avec une ferveur touchante, j’ai surtout envie de leur donner de la matière… Je préfère l’idée de transmettre du pur contenu à celle de communiquer de l’information. Quant au contact direct avec le public, il me rapproche de la scène ! On se sent moins seul, la réaction est immédiate. J’ai toujours l’impression de donner moins que je ne reçois mais j’y passe un temps fou alors je ne culpabilise pas trop !

• D’après vous, est-ce que la relation directe entre le public et l’artiste et la désintermédiation des rapports en général sont devenus des passages obligés ? Ou bien une chance à savoir saisir ?

Internet, ou plus généralement l’informatique, est une chance pour les uns, un passage obligé pour les autres. Personnellement je me régale. J’aime l’outil et j’aime l’esprit de la communauté qui y adhère. Je surfe beaucoup et m’occupe de tout le contenu de mon site et des pages web 2.0. L’industrie de la musique, en particulier ses artistes, techniciens et créateurs, est l’un des premiers secteurs à avoir exploité tous les avantages techniques (parfois trop !) et innovants de l’informatique dès les années 80. Malgré les clichés défaitistes, la musique est très présente sur la toile, super diversifiée, en « net » progression ! Ce qui n’est pas le cas dans les médias traditionnels.

Les jeunes artistes qui débutent aujourd’hui ont un avantage sur leurs prédécesseurs : ils sont nés sur le net où surfe leur public H 24. Un artiste qui a fait des LP peut s’adapter, maitriser les nouveaux outils, innover, transgresser les codes mais son public le suivra-t-il ? Ou devra-t-il en fin de compte séduire un nouveau public ?

diane-tell-batiuk-011

• Votre compte MySpace fait un peu penser au 1337 5|*34|< (leet speak) des geeks, vous êtes une technophile avertie ?

Pour répondre à votre question, j’ai dû aller voir ce que « leet speak » signifiait, c’est vous dire mon niveau de geek ! Pour tous ces détails, il faudrait s’adresser à Céline, Jean-Pierre et Julie. Je peux mettre en ligne du contenu, j’ai longtemps travaillée avec le logiciel Digial Performer, aujourd’hui avec Protools pour la musique, Photoshop pour l’image, etc. Mais pour moi entrer dans un programme informatique, c’est comme ouvrir le capot d’une voiture… je ne peux qu’admirer béatement l’air puissant de l’engin : je ne saurais pas quoi en faire !

• Vous commentez également en ligne, et de manière abondante. Pourquoi si peu d’artistes s’expriment-ils en ligne, non pas dans leur espace, mais ailleurs ?

Les pages d’artistes « installés » sont généralement des espaces dédiés à la communication. Simple gestion d’image. Peu d’artistes s’expriment personnellement sur leur site, ce qu’ils ont à dire, ils le disent dans leurs œuvres – album, livre, film, photographie… Je peux comprendre ce choix de ne pas en rajouter. Pour ma part, j’en montre un peu plus par goût pour la réflexion, l’échange, l’écriture, la petite histoire et les archives ! Ce n’est pas pour me mettre en avant que je blogue, c’est pour me mettre en mémoire.

Si les artistes en contrat s’expriment peu sur Hadopi c’est peut-être pour ne pas contrarier leur maison de disques plutôt « pour » et préserver leur image auprès du public assez « contre ». Un artiste a très peu de pouvoir dans cette industrie, alors qu’il intervienne ou non, ça ne changera pas le cours des choses. Le seul pouvoir qu’on lui reconnaît et encore, c’est celui de « vendre ». C’est une industrie, pas un parc d’amusement. Ce qui me gêne c’est le décalage entre le discours officiel en faveur de la création et la cruelle réalité du marché depuis toujours.

• Vous vous êtes manifestée ouvertement et très fermement contre Hadopi : qu’est-ce qui ne va pas dans cette loi ?

Mes problèmes avec cette loi en devenir ont commencé en 2006. Une personne chez Sony m’a envoyé une pétition à signer en faveur de la répression des pirates ou contre la piraterie, je n’ai pas le souvenir précis du contenu de la lettre mais ça allait dans ce sens. J’ai refusé. Une heure après le numéro 2 de la maison de disques me téléphone pour m’engueuler !

J’étais la seule artiste du groupe à ne pas avoir signé, rendez-vous compte ! Nous sortions de la très mauvaise période des DRM sur les CD, je ne voulais pas soutenir un autre modèle sans suite…

a) Commençons par la fin, cette loi est dépassée. Le téléchargement sauvage n’est pas mort mais y’a comme une odeur. Il a déjà perdu une très grande part de marché noir face au streaming. Et le flux, c’est l’avenir. Pourquoi avoir chez soi de gros disques durs pleins à craquer et susceptibles de planter à tout moment alors qu’on peut accéder facilement sans stockage au même contenu ? Pourquoi s’emmerder à télécharger de lourds fichiers et tous les additifs viraux qu’ils peuvent transmettent ? La question des supports n’est pas réglée. La mutation suit en cours. Ce qui ne va pas dans cette loi c’est son attachement au support. Le support n’a plus d’intérêt aujourd’hui. Le support physique CD oui, pour la pochette. Avoir un fichier chez soi ou sur un serveur à Seattle c’est exactement la même chose.

b) Si j’ai bien compris, c’est aux ayant-droits de signaler à la Haute Autorité les fraudes. Aux ayant-droits d’enquêter, d’apporter les preuves et d’identifier les coupables. Qui sont-ils et comment vont-ils s’y prendre ? Qui prend en charge les frais ? Ca me choque de ne pas avoir de réponses à ces questions.

c) Faites un retour en arrière et observez la France en 1980 et la musique diffusée alors sur les ondes de Radio France, RTL, Europe 1 et Radio Monte-Carlo. Imaginez un an plus tard l’irruption sur tous les toits de dizaines d’émetteurs et sur la bande FM la diffusion du contenu anarchique de radios libres de tout contrôle, sans règles ni ambition, des improvisanimateurs dopés de convictions, en roues libres, NRJ période Jean-Pierre d’Amico, des radios créées de toutes pièces dans un appartement, un garage, hyper communautaire, un peu comme Internet aujourd’hui. Regardez maintenant ce que la FM est devenue 28 ans plus tard, ce qu’est devenu NRJ, le formatage, les antennes toutes regroupées en holding. Imaginez Internet dans une vingtaine d’années. Je suis pour plus de liberté. Je ne souhaite pas qu’Internet devienne dans 20 ans le terrain de jeux d’argent de 4 majors qui m’imposeraient leurs goûts, leurs couleurs et leurs règles. Je parle en tant qu’artiste et citoyenne !

d) Internet est à la fois distributeur et diffuseur de contenu. La FNAC et France Inter réunies. Le streaming, c’est de la diffusion ou de la distribution de contenu ? L’outil est formidable, mais c’est très nouveau. Hadopi ne se penche pas sur ces questions, elle ne valide qu’une chose : que les lois du monde réel s’appliquent au monde virtuel. Ceux qui ont le pouvoir dans le monde réel tentent de le faire valoir dans le monde virtuel en s’appuyant sur des lois.

• Quel rapport entretenez-vous avec les maisons de disque ?

J’en ai trois ! Une pour le passé, une pour le numérique et une pour le nouvel album ! Les rapports sont différents avec chaque collaborateur mais toujours bons je crois, pour moi en tous les cas.

diane• Vous n’y allez pas de main morte : « Le CD c’est certain deviendra d’ici peu au mieux un produit d’appel au pire un produit dérivé, au même titre qu’un t-shirt, un poster, un autocollant ou autre babiole à l’effigie de l’artiste. […] Le troisième millénaire signe la mort du contenant, de l’emballage, du paquet cadeau ». Quels modèles économiques envisagez-vous pour permettre aux artistes musicaux et vidéo de vivre de leur travail ? Quels choix avez-vous fait personnellement ? (scène, petit label, production, maison de disque en ligne, autoproduction…).

Les disquaires ferment leurs portes, l’espace consacré à la musique diminue ou disparaît des espaces informatico-culturels, il ne peut pas y avoir de ventes sans surface de ventes. Les gens sont passés à autre chose. Le CD (ou autre support) a un avenir en tant qu’objet pour fan ou collectionneur et puis il faudra bien en fabriquer pour les concerts ! Il se vend beaucoup de CD les soirs de concerts. Le CD est à l’album ce que la sortie en salle est au film. Symboliquement l’objet a sa valeur. Sur le marché, il en a encore, moins qu’hier, plus que demain. Je n’ai pas de modèle à défendre pour l’artiste qui veut vivre de son art aujourd’hui.

L’artiste doit se comporter comme un artisan, se faire respecter pour la qualité de son travail, vendre celui-ci librement à sa clientèle. Si possible, conserver ses droits : d’auteurs, éditoriaux, phonographiques, voisins etc. On vend peut-être un artiste mais ce qui rapporte c’est la chanson et son enregistrement x autant d’albums.

Pour ma part je suis producteur et éditeur depuis très longtemps, je travaille avec une major Sony, une e-compagny Believe et un historique petit label Celluloid. J’ai ouvert ma boutique en ligne sur mon site. J’expédie dans le monde, c’est l’avantage et le CD arrive dédicacé !

• Vous portez un regard critique sur les médias, que vous consultez manifestement avec attention. Vous lisez plutôt par fidélité, ou au hasard selon les thèmes ?

Je peux répondre très précisément à cette question. Je suis abonnée à Libération.fr, @si, XXI, Backchich, Médiapart, et je soutiens d’une brique Rue89… Je me suis abonnée à ces sources d’information parce que je prends plaisir à les lire et par engagement. Je lis aussi le Canard et Technikart. Je survole toute l’autre presse en ligne tous les jours et vais sur quelques blogs… beaucoup de titres français, je surfe aussi au Canada, aux Etats-Unis, ailleurs…

• En quoi la crise de la presse (crise économique, crise de confiance) en France vous touche-t-elle ? Comment cela se passe-t-il de l’autre côté de l’Atlantique ?

La fermeture d’un journal, qu’il soit ou non à notre goût est une triste affaire. Internet bouleverse considérablement l’industrie de l’information parce que c’est bien d’une industrie qu’il s’agit. On vend du papier, de la publicité, je dirais presque, peu importe le contenu ! Tous les chemins mènent au support. En ligne il y a d’avantage de contenu qu’en version papier, avec les archives, il y a même de l’audio, des images en diaporama et des vidéos. Et puis lire son journal en ligne, écologiquement, c’est un geste fort ! Le problème c’est qu’il n’y a pas de support, donc pas de prix, pas d’acheteur. Je ne sais pas comment ça se passe en Amérique mais sans risques de me tromper je dirais que les mêmes causes produisent les mêmes effets à plus ou moins grande échelle dans les pays économiquement proches.

• Vous avez dédié une rubrique « Si j’étais journaliste » à votre blog. Vous auriez aimé être journaliste ?

J’aime lire et écrire, je suis curieuse et photographe, indépendante et rigoureuse mais je suis aussi très naïve, et ça c’est incompatible avec le métier de journaliste ! Je me contente d’écrire quelques billets librement sur mon blog. J’aime beaucoup aller sur les blogs des autres également.

• L’irruption en force des lecteurs, commentateurs et des blogueurs dans le panorama de l’information, c’est un mouvement qui vous paraît superficiel, utile, perturbateur ?

Rue89 a fait une étude révélant qu’une toute petite partie des riverains de leur site participaient à la discussion en rédigeant des commentaires. Peut-être, mais ils sont très lus. A prendre et à laisser. Peut-on juger un journal par ses lecteurs, un élu par son électorat, un artiste par son public ? Je ne sais pas. La parole est utile à celui qui la prend puisqu’il l’a prise. Pas toujours à celui qui la lit. Il y a d’excellents blogueurs sur le net, je suis friande, je surfe beaucoup, parfois à l’aveugle ou presque.

• Un petit mot sur votre actualité : Docteur Boris et Mister Vian est sorti il y a quelques jours sur iTunes. On ne vous connaissant pas si jazzy, c’est récent ou s’agit-il d’assouvir une envie déjà existante ?

J’ai étudié la guitare jazz, c’était mon instrument à la fin de mes études. Mon premier album était pur jazz, même, avec des chansons originales. Un solo de voix par titre, rien que ça ! Pour les albums suivants, toujours quelques titres jazz : Gilberto, L’indésirable, Les trottoirs du boulevard St-Laurent, Dégriff’moi… J’ai toujours flirté avec le jazz, ce répertoire de standards adaptés par Boris Vian était irrésistible !

• Des projets sur scène, ou au théâtre ?

Je fais toujours de la scène, je prépare avec Deghelt Production une tournée en 2010 avec Laurent de Wilde comme directeur musical et trois autres musiciens.

spaceballpixou• Verra-t-on un jour exposées vos photographies ?

J’ai exposé tout l’été, d’autres expositions sont en préparation pour mes Pixous, des photos argentiques découpées au pixel ! Un travail que l’on peut voir en ligne toute l’année.

• Quel est votre plus beau souvenir de scène ?

Mon premier Olympia me vient à l’esprit ! Un soir seulement, mais une salle comblissime et de très bons musiciens pour m’accompagner : Manu Katché, D’Angelo… Véronique Sanson y était installée pour un mois. Un lundi soir de relâche pour elle, j’ai pris la scène, j’ai pu chanter mes chansons, dans son décor avec ses musiciens… On a eu beaucoup de succès… Mon père était présent. 1983. Inoubliable.

• Merci Diane, et à bientôt sur la Toile !

(crédits photos et illustrations… Diane Tell, bien sûr !)

Petit bonus : Rue d’la flemme.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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