OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Escif, artiste de rue ou peintre révolutionnaire ? http://owni.fr/2011/06/19/escif-artiste-de-rue-ou-peintre-revolutionnaire/ http://owni.fr/2011/06/19/escif-artiste-de-rue-ou-peintre-revolutionnaire/#comments Sun, 19 Jun 2011 10:54:05 +0000 Geoffrey Dorne http://owni.fr/?p=67996 Entre graffiti et peinture de rue, l’artiste espagnol Escif amorce depuis quelques années un travail visuel centré autour de l’idée de révolution, de trouble à l’ordre civil, et de changement social. 

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Publié initialement sur graphism.fr

Photos d’Escif, tous droits réservés, via Flickr

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La voix graphique de l’Espagne http://owni.fr/2011/06/04/la-voix-graphique-de-lespagne/ http://owni.fr/2011/06/04/la-voix-graphique-de-lespagne/#comments Sat, 04 Jun 2011 08:31:14 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=65543 La #spanishrevolution, qui se décline en campements et assemblées populaires à travers le pays, sur le web et les places des quartiers, est également visible graphiquement. C’est la voix créative de l’Espagne dont nous avons tous eu un aperçu à travers des photos diffusées sur le réseau, faite de slogans et de visuels souvent audacieux et inventifs.

Cette effervescence graphique sans précédent se retrouve surtout sur le web. Hormis les visuels officiels des collectifs les plus connus, comme Nolesvotes, Juventudsinfuturo, ¡Democraciarealya!, Toma la plaza !,  qui sont téléchargés et imprimés pour les manifestations, d’autres initiatives existent sur la toile. Deux projets notamment se distinguent dans la construction d’une mémoire visuelle collective de ce mouvement populaire :

L’un, Voces con Futura propose une sélection d’affiches très graphiques. Le projet est porté par une graphiste directrice artistique vivant à l’étranger et préférant garder l’anonymat “afin que l’attention soit dirigée vers les affiches et non les personnes”. Une idée que l’on retrouve dans les spécifications du projet, où il est précisé que les oeuvres seront publiées anonymement afin de ne pas faire de l’ombre à l’initiative. Contactée par email, elle nous raconte quelles étaient ses motivations :

En tant que graphiste espagnole expatriée je voulais me rendre utile au mouvement. Il me paraissait important de faire un travail de curation, et de communiquer, sur cette effervescence graphique. Tumblr est l’outil idéal pour sa diffusion.

La prochaine étape est l’extension du projet au niveau international, les consignes viennent tout juste d’être traduites, et un appel à participation vient d’être lancé sur la page d’accueil, tant aux graphistes qu’aux traducteurs.

L’ autre initiative s’appelle Spanish Revolution. Elle est portés par deux jeunes graphistes, Adrian Velez et Jorfe, récemment diplômés. Ils sont convaincus que “le monde a besoin de changer rapidement.” Et d’ajouter : 

Notre but était de créer un lieu d’expression pour tous ceux qui ont des choses à dire sous une forme artistique, un lieu pour laisser libre cours à nos inquiétudes, nos envies de hurler aux quatre vents que nous sommes fatigués du système.

Ce projet réunit des visuels beaucoup plus variés. On trouvera aussi bien des vignettes de BD que des dessins satiriques, des photos ou des affiches très graphiques comme celles de Voces con Futura.

Des dessinateurs connus et notamment de l’hebdomadaire satirique El Jueves ont participé à l’aventure ainsi que des photographes, des écrivains, et beaucoup de graphistes. Les deux compères ne s’attendaient pas à un tel succès, ni d’avoir le soutien d’Alex de la Iglesia, réalisateur et président démissionaire de l’Académie du Cinéma espagnole. Ils passent une bonne partie de leur temps libre a trier, éditer et sélectionner les affiches qui leurs arrivent chaque jour.

Nous vous proposons donc une sélection de 30 affiches des deux sites dont les références graphiques vont du cinéma aux jeux vidéos, en passant par les classiques détournements de logos ou d’affiches des révolutions passées. Les thèmes abordés reflètent autant les revendications politiques, économiques et sociales que la nature du mouvement en lui-même. Un mouvement dont les deux faces, dans la rue et sur Internet, sont indissociables et complémentaires.

La révolution espagnole ne sera pas télévisée.

(vocesconfutura)

Référence à Gil Scott Heron et à l’article tant commenté sur le web de Malcom Gladwell, ‘Why the revolution will not be tweeted” et publié dans le New Yorker.

(vocesconfutura)

Les politiciens nous pissent dessus, les médias disent qu’il pleut.

(blog spanishrevolution)

Ceux qui résistent réalisent leurs rêves.

(vocesconfutura)

Dessin représentant l’assemblée populaire de Sol à Madrid #acampadasol

(blog spanishrevolution)

Zapatero cherche à sortir de la crise : “Froid ! Froid !”

(blog spanishrevolution)

Désolés pour le dérangement, nous sommes en train de changer le monde.

(vocesconfutura)


“Si vous ne savez pas écouter le peuple, allez donc gouverner le Mordor.

“Eh! eh! What the fuck ! Ne nous envoyez pas vos racailles, nous en avons eu assez avec 30 ans de dictature”

(blog spanishrev)


Indignés !

(vocesconfutura)

“Loi d’Hondt : si c’est une démocratie, laissez-moi participer”.

(vocesconfutura)

Remise en cause du système de comptage des voix en vigueur en Espagne. La méthode d’Hondt [fr] [en] fait une première répartition des sièges en calculant le rapport en le nombre de voix obtenues et le nombre de sièges à remplir dans une assemblée. Mais une seconde répartition permet d’obtenir des sièges supplémentaires aux partis qui ont obtenu une forte moyenne. Ce système favorise donc nettement les grands partis.

“Démocratie interrompue. Fermé : je reviens dans 4 ans.”

(vocesconfutura)

“La violence, c’est de payer les gens 600 euros.”

(vocesconfutura)

En Espagne le salaire minimum tourne autour de 650 euros.

“Je suis là pour que tu fasses un choix…”

“Choisir quoi ?”

“…entre deux pastilles. Une rouge et une bleue”

“Non !”

(blog spanishrevolution)

Référence au film Matrix. Ici les pastilles représentent le PP, parti de droite, et le PSOE, parti de gauche.

“Les mains en l’air, ceci est un contrat ! Un travail digne pour tous.”

(vocesconfutura)

Votez Espoir !

(vocesconfutura)

#15M : “

“Vous vous rendez compte que nous pouvons nous organiser sans eux ?”

“Vous vous rendez compte qu’ils peuvent s’organiser sans nous ?”

(blog spanishrevolution)


Nous sommes plus nombreux.

(vocesconfutura)


“La même merde, une odeur différente.”
Zapatero : “Je ne comprends pas, pourquoi n’applaudissent-ils plus ?”
Rajoy : “Je ché pas Joché Louish. Au mieush, on leur donne des bonbons et ils vont che calmesh”
Zapatero : “Je commence à avoir peur, prends moi dans tes bras Mariano”
Rajoy : Tu chais ? Ch’avais chamais remarqué que ta peau était si doush
Zapatero : Tout n’est-il pas plus intense quand on sent que la fin de carrière est proche ? Oh embrasse moi Mariano !

(blog spanishrevolution)

Représentation du premier ministre socialiste José Luis Zapatero (à gauche) et de Mariano Rajoy, le président du Partido Popular, de droite.

Le dessin se moque particulièrement de Mariano Rajoy – qui a réellement un cheveu sur la langue – et fait référence à une remarque de ce dernier, lors d’un meeting politique, sur l’augmentation de la TVA : “La TVA va augmenter sur les bonbons (los chuches) qu’achètent les enfants ! La TVA va augmenter pour tous les espagnols !” Son erreur grammaticale – il dira, los chuches au lieu de las chuches -  va tourner sur le web espagnol.

Comme BHL collectionne les tartes à la crème, Rajoy les mèmes sur le web.


Erreur du système (vocesconfutura)

#15M : Logement, retraite, chômage, minimum vital, hypothèques, corruption, banquiers.

(blog spanishrevolution)


La révolution s’écrit avec un #hashtag.

(vocesconfutura)


Nouvelle dosette pratique, efficacité maximum en politique. La force de nettoyage vient à bout de toutes les saletés.

(blog spanishrevolution)


1er dessin : “Nouvelle révolution, nouvelles armes”

2ème dessin : “Génération Ni-ni : ni travail, ni logement, ni retraite, ni futur”

“Non ! Sérieusement ? Et maintenant, où vais je trouver la place de ranger tous ces diplômes ?”

(blog spanishrevolution)

Peu de pain, beaucoup trop de chorizo.
Il s’agit ici du détournement du logo de la banque Santander, dont le dirigeant Emilio Botin est particulièrement visé par les manifestants, comme un des premiers responsable de la crise économique que subit le pays.

(voces con futura)

Expulsion pacifique : les ordres sont clairs , donnez leur du café avec des coups de massue

(blog spanishrevolution)

Un nouvel espoir contre la corruption politique (Détournement de Star Wars)

(blog spanishrevolution)


(blog spanishrevolution)

“Désolé Mario, mais ta démocratie est dans un autre château.”

(blog spanishrevolution)

Référence au jeu vidéo de Nintendo Marioland.

#democraciarealya (une démocratie réelle maintenant)

#acampadasevilla (campement de la ville de Séville)

#setasrevueltas (champignon retournés)


Système SOLaire

(voceconfutura)


Les affiches sont disponibles au téléchargement sur les sites de Spanish Revolution et Voces Con Futura.

Retrouver notre dossier sur la démocratie réelle en Espagne :

La voix graphique de l’Espagne
Comprendre la révolution espagnole

Notre précédent dossier, du 21 mai 2011, sur la naissance du mouvement.

Tout les articles concernant l’Espagne sur Owni /-)

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Comprendre la révolution espagnole http://owni.fr/2011/05/21/comprendre-la-revolution-espagnole/ http://owni.fr/2011/05/21/comprendre-la-revolution-espagnole/#comments Sat, 21 May 2011 10:54:06 +0000 Enrique Dans http://owni.fr/?p=63791

[tous les liens de ce billet sont en espagnol, sauf mention contraire]

Enrique Dans est professeur des systèmes de l’information à la IE Business School et blogueur reconnu en Espagne. Il s’intéresse notamment aux effets des nouvelles technologies sur les populations et les entreprises. Dans ce billet publié sur son blog le 18 mai, il explique en sept points les causes de ce soulèvement.

Vous entendez toutes sortes de bêtises sur les mobilisations à Sol et dans de nombreuses villes d’Espagne : des théories conspirationistes absurdes [émission de radio] de ceux qui voient des ombres derrière toutes choses, jusqu’à la simplification grossière de ceux qui mettent l’étiquette “anti-système” alors même qu’ils ont la réponse sous les yeux. Ou encore la stupidité de de ceux qui prétendent être d’accord avec les manifestants [pdf], alors que ceux-ci protestent précisément contre eux, ce qu’ils ont fait et contre ceux qu’ils représentent.

Je suis totalement d’accord avec Periodismo Humano : quelque chose de grand est en train de se passer ici. Le rejet des théories conspirationnistes stupides est absolu et radical, l’interprétation est claire et convaincante : les gens descendent dans la rue parce qu’ils réclament un changement. Un changement sur le fond dans la manière de faire de la politique et d’exercer la démocratie.

Analyser les demandes des uns et des autres est un exercice vain : parmi les gens que je vois manifester dans la rue, très peu soutiendraient explicitement ces demandes. Beaucoup arrêtent de les lire parce qu’elles n’en valent tout simplement pas la peine : les citoyens descendent dans la rue avec une contre-pétition, appelant à un changement radical, parce que les partis politiques et le système ne les représentent déjà plus. Ils en représentent d’autres.

En ce qui concerne les demandes concrètes… cela viendra plus tard, pour le moment, nous sommes dans un processus de changement. De quoi ? Il est trop tôt pour le savoir, et il possible d’espérer que, quel qu’il soit, ce changement soit pacifique, ordonné et civilisé. Je suis entièrement d’accord avec le billet d’Antonio Ortiz à cet égard.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Voici les clefs du mouvement que nous sommes en train de vivre :

L’origine, le déclenchement

C’est le moment où les trois grands partis, PSOE, PP et CiU, forment un pacte pour faire passer la ley Sinde , en contradiction flagrante avec la volonté d’une grande majorité de citoyens, pour faire plaisir à un lobby. Attention, ceci n’est que le début, le détonateur : à l’heure actuelle, cela n’a déjà plus d’intérêt ou de pertinence dans les manifestations. Mais en voyant l’acharnement pathétique à “faire passer cette loi à tout prix” alors que l’ensemble du réseau s’était soulevé contre elle, le relayer en direct a eu le même effet – avec tout le respect dû aux tunisiens et en demandant pardon d’avance pour la comparaison tragique – que le suicide de Mohammed Bouazizi s’immolant en Tunisie. De l’activisme contre la ley Sinde est né le mouvement #nolesvotes (ne votez pas pour eux), en plus de la cristallisation d’un climat de mécontentement évident contre toute une manière de faire de la politique.

Les motifs réels

Les véritables raisons sont, et cela n’a échappé à personne, des sujets tels que la gestion de la crise économique, la corruption, le chômage (en particulier le taux de  plus de 40% de chômage pour les jeunes) et surtout, la désaffection envers une classe politique, identifiée comme l’un des problèmes majeur de la citoyenneté dans les enquêtes du CIS. Egalement, le désenchantement que l’on peut ressentir face à cette manière de faire de la politique qui fait de l’électeur un être sans importance, juste bon à déposer un bulletin dans une urne et qui, par cet acte, donne à un parti politique toute la légitimité de faire ce que bon lui chante pendant quatre ans. Un parti qui est devenu une grande entreprise inefficace et corrompue répondant aux intérêts des lobbies et pas à ceux des citoyens.

Place Sol à Madrid : Nous ne nous tairons pas ! La démocratie, maintenant !

Le témoignage est recueilli par d’autres associations

D’abord JuventudSinFuturo (Jeunesse sans futur) et ensuite DemocraciaRealYA (Une vraie démocratie maintenant !) ont été capables de s’organiser brillamment, avec civilité et pacifiquement pour transposer ce mouvement dans la rue. Ce fut l’épreuve du feu, le “moment de vérité” :  avant que les protestations ne prennent vie dans la rue, le réseau bouillonnait de dizaines de tweets par minute, de groupes Facebook et de posts de blogs, mais personne n’avait encore sauté le pas. Après les protestations, les gens se sont rendus compte qu’ils n’étaient pas les seuls à partager cet opinion, et que si l’organisation et l’action sont possibles, ils sont aussi une réalité concrète. C’est comme cela qu’est tombée la barrière que beaucoup se mettaient pour descendre dans la rue.

La décision de descendre dans la rue répond à un sentiment général

Et non pas à une revendication particulière comme une série de points d’un programme. Dans la rue, vous pouvez voir des personnes de tous les âges, opinions politiques, de toutes les conditions sociales. Des étudiants en chemises jaunes, des chômeurs, des punks, des retraités, des entrepreneurs, des enseignants … J’étais là, concrètement, et j’ai rencontré tous ces profils, un par un, et plus encore. Un qui salue une connaissance, et j’ai pu moi-même saluer plusieurs anciens élèves, des collègues, des gens que je connais qui ont créé des start-up, des cinéastes, des avocats, des journalistes … On trouve de tout. Littéralement tout.

Ne vous attendez pas à un accord sur les mesures à prendre, c’est impossible. Mais s’il y a une chose sur laquelle il existe bien un accord c’est la nécessité d’un CHANGEMENT. Et un retour en arrière n’est pas envisageable.

La démocratie, maintenant !

La simplification est mauvaise

Que les jeunes de gauche soient les plus susceptibles de descendre dans la rue ne veut rien dire, et prétendre inscrire ce soulèvement dans une idéologie ou un parti spécifique est tout simplement absurde. C’est normal et inévitable. Tenter de se placer devant les gens pour faire croire qu’ils vous suivent est encore plus pathétique : dans un mouvement aussi connecté, la personne qui tente de “diriger” en appliquant des techniques pastorales comme on le ferait pour un troupeau de bêtes se fait immédiatement régler son compte sur les réseaux sociaux.

En Égypte, il avait eu des moments où il semblait que les Frères musulmans monopolisaient la protestation, et d’autres qui montraient clairement la diversité et la pluralité au sein du mouvement. Ici il n’y a pas de leader, il y a des gens. Personne ne suit personne réellement, il ne s’agit même pas de savoir si c’est bien comme ça ou pas. Le désir de changement continue d’être présent, et c’est tout.

Attribuer ces manifestations à des mouvements organisés, à une stratégie concrète ou a des personnes spécifiques est une vieille interprétation, typique de ceux qui ne comprennent rien à ce qui se passe. Chercher à mieux organiser le mouvement, prétendre que des demandes concrètes sont en cours, demander un leadership plus clair et incarné ou chercher sous les pierres son origine alambiquée est absurde : cela ne peut pas être, et plus que tout, c’est impossible.

Et maintenant ? Maintenant nous voulons plus !

Une fois la mèche allumée, il est très difficile de l’éteindre. La manifestation du 15M (15 mai) à Madrid a rassemblé des dizaines de milliers de personnes ; un événement autorisé et organisé depuis des semaines. Cependant celui d’hier, le 17 mai à Sol, a été organisé en quelques heures, en utilisant uniquement Twitter et Facebook. La place de 10000 m2 fut presque entièrement remplie, jusqu’à la rendre impraticable.

L’exemple s’est également largement étendu à d’autres villes. Le contrôle de tous ces mouvements est tout bonnement impossible. Il faut absolument, et par tous les moyens, que tout se déroule de façon civilisée et pacifique, mais ne nous ne sommes pas sûrs d’éviter des mouvements incontrôlés d’une part ou des réactions excessives d’autre part.  L’ordre malheureux d’expulsion du camp de la place Sol dans la nuit de dimanche a déclenché le rassemblement de mardi après-midi, et ce phénomène pourrait se produire plus souvent.

L'avarice nique la liberté

Il est important de comprendre que nous avons passé une étape

Une étape vers un modèle que les partis politiques devront comprendre, de gré ou de force. Ils ne peuvent plus ignorer les citoyens et défendre d’autres intérêts. La politique ne peut pas continuer à être menée de cette manière là.

Nous ne sommes pas dans le cas de la Tunisie ou de l’Égypte : en Espagne il y a un gouvernement démocratiquement constitué et personne ne descend dans la rue pour le renverser, mais des changements importants sont nécessaires, des changements en profondeur et drastiques que les partis devront mettre en place maintenant.

Pour l’instant, les partis politiques sont en train de minimiser l’importance de cette question, et pensent : « ça va leur passer ». Mais nous ne sommes pas dans cette dynamique. Probablement l’ampleur du changement nécessaire est telle que nous devrons faire des modifications depuis le code électoral jusqu’à la Constitution elle-même. Mais si cela ne se fait pas, si des avancées dans ce sens ne se font pas sentir, le mouvement continuera, et a de fortes chances de s’étendre.

Si nous tenons jusqu’au dimanche 22 mai et que les élections nous ressortent le même scénario et toujours les mêmes messages, j’ai le sentiment que le mouvement va s’intensifier. Mais en qui concerne ces mouvements de société, personne n’en possède le contrôle ou le pouvoir de prédire ce qu’il en adviendra.
La seule certitude est que l’Espagne a déjà sa révolution.


Publié initialement sur le blog de Enrique Dans, sous le titre “Entiendo la #spanishrevolution”

Traduction : Ophelia Noor

Crédits photos :
via Flickr : Amayita [cc-by-nc-nd] ; Garcia Villaraco [cc-by-nc-sa] ; Brocco Lee [cc-by-sa]
via le wiki de #nolesvotes, logo sur fond noir nolesvotes


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Comprendre la révolution espagnole
Notre précédent dossier, du 21 mai 2011, sur la naissance du mouvement.

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RTL, les Français et des datas approximatives http://owni.fr/2011/05/15/rtl-les-francais-et-des-datas-approximatives/ http://owni.fr/2011/05/15/rtl-les-francais-et-des-datas-approximatives/#comments Sun, 15 May 2011 08:42:58 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=62599 Billet initialement publié sur le datablog d’OWNI.

La dernière publicité de RTL entend convaincre que la radio produit une information au plus proche des Français car elle connait sa Mme Michu sur le bout des doigts. Le résultat : des clichés sur un arrière-fond de campagne présidentielle, qui inquiètera l’auditeur attentif sur sa capacité à traiter l’information avec un minimum d’objectivité. Voici la vidéo en question :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Voici l’analyse d’RTL :

En France, on veut que ça change. Alors on élit un président qui fait des réformes. Mais en France on n’aime pas les réformes. Alors on fait la grève.

On suggère à RTL de lire cet article d’Alternatives économiques [payant] qui fait le point sur le mythe du Français râleur et conservateur. “Si l’on juge la transformation sociale au nombre de lois promulguées par législature, mais également en fonction des comportements et des attitudes des acteurs eux-mêmes, la société française n’apparait [...] nullement conservatrice.”

Marché du travail, école, fiscalité, territoire, protection sociale, construction européenne, les exemples sont égrainés. Ainsi concernant le marché du travail, le magazine rappelle : “Il est réputé corseté par des contraintes juridiques qui étranglent la compétitivité des entreprises et favorisent le chômage. En réalité, outre que d’autres pays ont un droit du travail très contraignant sans connaître des taux de chômage aussi élevés (notamment les pays scandinaves), les choses ont pas mal changé dans ce domaine, et le plus souvent dans un sens d’un recul pour les salariés. Les possibilités de mettre fin à un contrat de travail n’ont cessé d’être étendues, de l’abrogation de l’autorisation administrative de licenciement en 1986 à l’instauration de la rupture conventionnelle. Et si d’autres tentatives en la matière ont échoué (comme le contrat nouvelle embauche), c’est parce qu’elles étaient contraires aux conventions internationales.”

RTL a sans doute aussi oublié la loi Defferre de 1982 : :

La France centralisée et jacobine est un autre lieu commun des lamentations sur l’immobilisme français. Et pourtant, la décentralisation est passée par là (loi Defferre de 1982), redistribuant des compétences à tous les niveau. En dépit des apparences, un président de la République concentre aujourd’hui moins de pouvoir entre ses mains que ses prédécesseurs des années 1970.

Et pour rester sur les années Mitterrand, et avec un peu de mauvais esprit, on prend au pied de la lettre RTL: combien de Français sont descendus dans la rue dans les premiers mois du septennat pour protester contre l’augmentation du SMIC de 10 %, des allocations familiales et logement de 25 %, la mise en place de la semaine de 39 heures (durée légale du travail), la 5e semaine de congés payés ?

Si les Français ont effectivement tendance à faire plus la grève que les autres Européens, les conflits sont de plus en plus liés à des licenciements, dans un contexte de durcissement des conditions de travail :

« De manière générale, les conflits liés aux licenciements sont de plus en plus nombreux et occupent pratiquement et symboliquement une place centrale dans les luttes sociales. Ils sont aussi très souvent de plus en plus durs : la violence des salariés répondant bien souvent à la brutalité des employeurs »

« Les classes passent en sureffectif », apprend-t-on aussi. C’est un peu plus compliqué que cela. Si le taux d’encadrement en France est le plus faible parmi les pays de l’OCDE, cela ne date pas d’hier : « passent » est donc incorrect. Et si le gouvernement annonce des chiffres glorieux, c’est au prix de galipettes comptables.

Là où le clip est habile, c’est en laissant planer le doute sur son sérieux : premier degré ? Second degré ? Les tons se mélangent pendant trente secondes. Il n’empêche qu’il entretient bien des représentations. Des représentations que RTL et d’autres médias – le service public français n’est pas tout blanc -, entretiennent à chaque fois qu’ils font un micro-trottoir “sur les usagers du métro pris en otages par les grévistes un jour de grève”.


Image Flickr AttributionNoncommercialShare Alike Pedro Vezini

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La chute d’Hosni Moubarak http://owni.fr/2011/02/13/la-chute-hosni-moubarak-egypte-revolution/ http://owni.fr/2011/02/13/la-chute-hosni-moubarak-egypte-revolution/#comments Sun, 13 Feb 2011 09:00:09 +0000 Paul Amar http://owni.fr/?p=46284 Traduction et adaptation d’un article de Paul Amar paru le 1er février sur Jadaliyya.com
Paul Amar
est professeur en relations internationales à l’Université de Californie, Santa-Barbara.

Le Président Hosni Moubarak a perdu son pouvoir politique le vendredi 28 janvier.
Cette nuit-là les soldats égyptiens ont laissé brûler le quartier général de son Parti National Démocratique et ont commandé aux brigades de police qui attaquaient les manifestants de réintégrer leurs casernes. Quand les appels à la prière du soir furent lancés et que personne ne comptait respecter le couvre-feu, il était clair que le vieux président était réduit à une autorité fantôme.
La « Million Man March » du 1er février marque l’émergence spectaculaire d’une société politique d’un genre nouveau en Egypte : unissant des éléments reconfigurés de la sûreté de l’Etat avec des hommes d’affaires, des leaders internationaux, des mouvements populaires relativement nouveaux de jeunes, de travailleurs, de femmes et des groupes religieux.

Pour savoir où va l’Egypte, et la forme que pourrait y prendre la démocratie, nous avons besoin de remettre les mobilisations populaires dans leurs contextes militaires, économiques et sociaux. Quelles sont les autres forces derrière ce revirement? Et comment le gouvernement militaire de transition va-t-il coexister avec le mouvement de protestation fort de plusieurs millions de personnes ?

Le siège du NDP au 29 janvier

De nombreux commentateurs internationaux et quelques analystes politiques arrivent difficilement à comprendre la complexité des forces qui conduisent et répondent aux événements de la plus haute importance auxquels nous assistons. La confusion provient du fait qu’ils observent ceux-ci avec d’un point de vue manichéen. Ce genre de perspective obscurcit plus qu’elle n’éclaire.
Il y a trois modèles binaires proéminents ici, et chacun est porteur de sa propre valeur :

1. Le Peuple contre la Dictature : cette vision conduit à la naïveté libérale et à la confusion sur le rôle joué par les militaires et l’élite dans le soulèvement.

2. Les Séculaires contre les Islamistes : ce modèle mène à la stabilité appelée depuis les années 80 et à l’islamophobie.

3. La Vieille Garde contre la Jeunesse Frustrée : cette perspective est teintée d’une romance soixante-huitarde qui ne peut pas expliquer les dynamiques structurelles et institutionnelles conduisant au soulèvement, ni prendre en compte les rôles clés joués par beaucoup de septuagénaires de l’époque Nasser.

Pour commencer à cartographier une vision plus globale, il serait utile d’identifier les pièces en mouvement sur l’échiquier militaire et policier de la sûreté de l’Etat et de voir comment les affrontements au sein de et entre ces institutions coercitives sont liés à l’évolution des hiérarchies et aux formations de capitaux. Je vais aussi observer ces facteurs à la lumière de l’importance de nouveaux mouvements sociaux non-religieux et de l’identité internationale ou humanitaire de certaines figures qui émergent au centre de la nouvelle coalition d’opposition.

Les commentateurs occidentaux, qu’ils soient de droite ou de gauche, tendent à considérer toutes les forces de coercition des Etats non-démocratiques comme les marteaux de la dictature ou comme les expressions de la volonté d’un chef autoritaire. Mais chaque police, armée et appareil sécuritaire a sa propre histoire, sa culture, son appartenance de classe et, souvent, sa propre source de revenus et de soutiens.

Décrire tout cela en détail prendrait plusieurs ouvrages, mais tentons brièvement d’en faire le tour ici.

Les forces de police al-shurta

En Egypte, elles sont dirigées par le Ministre de l’Intérieur qui était très proche de Moubarak et qui en est devenu politiquement dépendant. Mais les postes de police ont gagné en autonomie au cours des dernières décennies. Parfois, cette autonomie s’exprime dans l’adoption d’une idéologie militante ou d’une mission morale ; certaines brigades des moeurs ont pris le trafic de drogue à leur compte, d’autres rackettent les petits commerces en échange de leur protection mafieuse.

Dans une perspective bottom-up, la dépendance politique de la police n’est pas grande. La police s’est développée pour devenir une espèce d’entreprise cherchant son propre intérêt. Dans les années 80, elle a du faire face à la croissance de gangs, appelés baltagiya en arabe égyptien. Ces organisations affirmaient leur pouvoir sur de nombreuses extensions et bidonvilles du Caire. Les étrangers et la bourgeoisie égyptienne les considèrent comme des islamistes mais ils sont pour la plupart tout à fait dénués d’appartenance idéologique.

Lazoughli Square : les manifestants en route pour le Ministère de l'Intérieur

Au début des années 90, le Ministère de l’Intérieur, voyant qu’il ne pouvait pas les combattre, a décidé de les acheter. Ainsi, le Ministère de l’Intérieur et les Services Centraux de Sécurité ont commencé à sous-traiter la coercition aux baltagiya, les payant bien et les entraînant à utiliser une brutalité sexualisée (des attouchements au viol) pour punir ou décourager les manifestantes ou les détenus masculins. C’est aussi à ce moment que le Ministère de l’Intérieur a transformé le Bureau d’Enquêtes de la Sécurité d’Etat (State Security Investigations, mabahith amn al-dawla) en une menace monstrueuse, arrêtant et torturant de nombreux dissidents politiques.

Les Services Centraux de Sécurité Amn al-Markazi

Ils ne dépendent pas du Ministère de l’Intérieur. Ce sont les hommes casqués à l’uniforme noir que les médias appellent « la police ». Les Services Centraux de Sécurité étaient censés agir comme l’armée privée de Moubarak. Ils n’ont rien à voir avec les gardes révolutionnaires ou les brigades morales comme les basiji qui ont joué un rôle dans la répression du Mouvement Vert en Iran. Les Amn al-Markazi sont sous-payés et n’ont pas d’appartenance idéologique.
En outre, à plusieurs reprises, ces brigades de la Sécurité Centrale se sont soulevés en masse contre Moubarak lui-même, pour demander une hausse des salaires et de meilleures conditions de travail. La vue de ces Amn al-Markazi désarmés et embrassés par les manifestants est devenue l’une des icônes de la révolution égyptienne. La disparition de l’autorité de Moubarak pourrait remonter au moment exact où les manifestants déposèrent des baisers sur les joues des officiers Markazi avant que ceux-ci n’entrent dans les nuages de gaz lacrymogène pour ne plus revenir.

Membre des Service centraux de sécurité

Des Forces Armées divisées

Les Forces Armées de la République Arabe d’Egypte n’ont pas grand chose à voir avec les Markazi ou la police. On pourrait dire que l’Egypte est toujours une « dictature militaire » (si l’on veut utiliser le terme) puisque le régime est toujours celui qui fut installé par la Révolution des Officiers Libres dans les années 50. Mais l’armée a été marginalisée depuis la signature, par le président égyptien Anouar Sadate, des accords de Camp David avec Israël et les Etats-Unis.
Depuis 1977, l’armée n’est pas autorisée à combattre. Au lieu de ça, les généraux ont reçu énormément d’argent de la part des Etats-Unis. On leur a accordé des concessions sur des centres commerciaux égyptiens, on leur a permis de développer des gated communities dans le désert et des stations balnéaires à la côte. Et on les a encouragé à se réunir dans des clubs sociaux bon marché.

Tout cela a fait d’eux les hommes d’affaires d’un groupe d’intérêt incroyablement organisé. Ils sont attirés par l’investissement étranger mais leur loyauté est économiquement et symboliquement liée au territoire national. Comme nous pouvons le constater en examinant d’autres cas de la région (Pakistan, Irak, le Golfe), l’argent américain n’achète pas la loyauté envers l’Amérique, il n’achète que le ressentiment.

Ces dernières années, l’armée égyptienne est parcourue par un sentiment croissant de devoir national et a développé une honte amère par rapport à ce qu’elle considère comme sa « castration » : le sentiment qu’elle n’était pas là pour le peuple. Les Forces Armées veulent restaurer leur honneur et sont dégoutées par la corruption de la police et la brutalité des baltagiya.

Et il semblerait que les forces armées, en tant que « capitalistes nationalistes », se considèrent comme les ennemis jurés des « capitalistes complices » associés au fils d’Hosni Moubarak, Gamal, qui ont privatisé tout ce qu’ils ont pu et ont vendu le pays à la Chine, aux Etats-Unis et au Golfe Persique.

C’est donc pour cela qu’on a pu assister, dans les premiers jours de cette révolution, le vendredi 28 janvier, à un « coup » de l’armée contre la police et la Sécurité Centrale, et à la disparition de Gamal Mubarak et de Habib el-Adly, le Ministre de l’Intérieur honni. Pourtant, l’armée est aussi divisée par des contradictions internes. Au sein des Forces Armées, il y a deux branches d’élite : la Garde Présidentielle et l’Armée de l’Air. Ces deux branches sont restées proches de Moubarak alors que le gros de l’armée s’est tourné contre lui.

Ceci explique pourquoi vous pouviez voir le Général en Chef des Forces Armées, Muhammad Tantawi, se rendre sur Tahrir pour montrer son soutien aux manifestants alors que simultanément le chef des Forces Armées était nommé Premier Ministre et envoyait des avions de chasse aux mêmes manifestants. Ceci explique aussi pourquoi la Garde Présidentielle a protégé l’immeuble de la Radio/Télévision et a combattu les manifestants le 28 janvier au lieu de prendre leur défense.

Les Services de Renseignement

Le Vice Président, Omar Suleiman, nommé le 29 janvier, était auparavant le chef des Services de Renseignement (al-mukhabarat), qui font aussi partie de l’armée (et pas de la police).
Le renseignement est chargé des opérations secrètes dirigées vers l’extérieur, des détentions et des interrogatoires (et donc aussi de la torture et des « transferts » de non-Egyptiens). Les Services de Renseignement sont en mesure de faire pencher la balance de manière décisive lors des élections.
Comme je le comprends, les Services du Renseignement détestent Gamal Moubarak et la faction des « capitalistes complices », mais ils sont obsédés par la stabilité et entretiennent une longue relation intime avec la CIA et l’armée américaine. La montée de l’armée, et, en son sein, des Services de Renseignement, explique pourquoi tous ceux qui trempaient dans les affaires de Gamal Moubarak ont été purgé du cabinet le vendredi 28 janvier et pourquoi Suleiman a été fait Vice-Président par intérim (et agit en fait comme Président en fonction).

Cette révolution ou ce changement de régime pourrait être complet quand les tendances anti-Moubarak au sein de l’armée auront consolidé leur position et rassurer les Services de Renseignement et l’Armée de l’Air qu’ils peuvent s’ouvrir en toute confiance aux nouveaux mouvements populaires et à ceux coalisés autour du leader d’opposition El Baradei.

Ceci constitue la version optimiste de ce qu’on peut entendre lorsque Obama et Clinton parlent d’une « transition ordonnée ».

Le peuple veut ta chute

Business, nationalisme et naissance de la contestation

Le lundi 31 janvier, nous avons vu Naguib Sawiris, peut-être l’homme d’affaires égyptien le plus riche et le leader symbolique de la faction des « capitalistes nationalistes », se joindre aux manifestants et demander le départ de Moubarak. Au cours de la dernière décennie, Sawiris et ses alliés étaient menacés par le néolibéralisme extrême de Moubarak-et-fils et par leur préférence pour les investisseurs étrangers.

Parce que leurs investissements sont mêlés à ceux de l’armée, les intérêts de ces hommes d’affaires égyptiens sont liés au pays, à ses ressources, et à ses projets de développement. Ils sont exaspérés par la corruption du cercle intime de Moubarak.

En parallèle avec le retour d’un nationalisme organisé associé à l’armée et dirigé contre la police (un processus qui avait cours également durant la bataille contre le colonialisme anglais dans les années 30-50), il y a le retour de mouvements de travailleurs très organisés et puissants, principalement parmi les jeunes.
2009 et 2010 ont été marqués par de grandes grèves nationales, des sit-ins gigantesques et des manifestations de travailleurs sur les lieux-mêmes qui ont donné naissance au soulèvement de 2011. Et les zones rurales se sont soulevées contre les efforts gouvernementaux pour exproprier les petits fermiers de leur terre, s’opposant aux tentatives gouvernementales de re-créer les vastes fiefs qui définissaient la campagne pendant les périodes coloniales ottomane et britannique.

En 2008, nous avons vu émerger le Mouvement du 6 Avril, fort d’une centaine de milliers de personnes et conduisant à une grève générale nationale. Et en 2008 et décembre 2010 nous avons vu la création du premier syndicat indépendant du secteur public. Puis le 30 janvier 2011 des groupes de syndicats issus de la plupart des villes industrielles se sont regroupés pour former une Fédération Indépendante des Syndicats.

Travailleurs sur Tahrir Square

Ces mouvements sont organisés par de nouveaux partis politiques de gauche qui n’ont aucune relation avec les Frères Musulmans, et qui n’ont aucune connexion avec les générations passées du Nasserisme. Ils ne se positionnement pas contre l’Islam, évidemment, et ne se prononcent pas sur la division entre le séculaire et le religieux.

Leur intérêt est de protéger les fabriques nationales et les petits propriétaires terriens, ils demandent l’investissement des deniers publics dans des projets de développement économique nationaux, et cela concorde avec les intérêts de la nouvelle alliance capitaliste nationaliste.

Des mouvements sociaux coordonnés avec le Net

Nous voyons donc que derrière les ONG et les vagues de protestations conduites à partir de Facebook, il y a d’importantes forces structurelles et économiques et un réalignement institutionnel en cours. La population égyptienne se chiffre officiellement à 81 millions de personnes, mais en réalité elle va bien au-delà des 100 millions parce que certaines familles n’enregistrent pas tous leurs enfants pour leur épargner le service dans l’Amn Al-Markazi ou l’armée. À mesure que la jeune population s’organise, ces mouvements sociaux et coordonnés depuis l’Internet deviennent très importants.

On peut les regrouper en trois tendances :

1.Un groupe de nouveaux mouvements s’organise avec et autour des normes internationales, et pourrait donc tendre vers des perspectives et des discours séculaires et de mondialisation.

2.Un deuxième groupe s’organise à travers la culture légale très active et indépendante des institutions judiciaires égyptiennes. Cette culture légale forte n’est certainement pas une importation des « Droits de l’Homme occidentaux ». Des avocats, des juges et des millions de plaideurs – hommes et femmes, travailleurs, fermiers et élites – ont gardé le système judiciaire en vie et ont sans cesse résisté à l’autoritarisme et à la perte de leurs droits.

3.Un troisième groupe se trouve à l’intersection entre des ONG internationales, des groupes de défense des droits et de nouveaux mouvements de féministes, de ruraux, de travailleurs et de gauche. Ce dernier groupe critique l’universalisme des discours séculaires des Nations Unies et des ONG et s’appuie sur la force de l’activisme légal et travailleur égyptien. Mais il développe aussi ses propres solutions et innovations – bon nombre d’entre elles ont été montrées dans les rues ces derniers jours.

Nuit de camping à Tahrir Square

L’Egypte sur la scène internationale

Un dernier élément qu’il reste à examiner est le rôle critique et souvent négligé joué par l’Egypte au sein des Nations Unies et d’organisations humanitaires, et comment cette histoire revient pour animer la politique domestique et offrir une certaine légitimité et un certain leadership à Muhammad ElBaradei. L’ancien directeur de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique semble avoir été choisi par le Front Démocratique Uni pour servir de président par intérim et pour diriger le pays pendant la période de transition et la rédaction d’une nouvelle constitution.

Au début des années 2000, ElBaradei a courageusement dirigé l’AIEA en affirmant qu’il n’y avait pas d’armes de destruction massive en Irak et que l’Iran ne développait pas l’arme nucléaire. Il a reçu le Prix Nobel pour avoir fait prévaloir la loi internationale sur l’agression et la guerre et pour avoir endigué la préparation d’une guerre contre l’Iran.
Ce n’est ni un radical ni un Gandhi égyptien, mais il n’est pas non plus une marionnette ou un fantoche américain. A ses côtés se tenait aussi l’acteur égyptien Khaled Abou Naga, ambassadeur auprès de l’UNICEF. Cela semble être davantage une révolution humanitaire qu’un soulèvement mené par les Frères Musulmans. C’est un changement de régime digne du 21e siècle – profondément local et simultanément international.

Mohmmed ElBaradei, 2009, Nations Unies

Il est important de se rappeler que la toute première force d’intervention humanitaire et armée des Nations Unies a été créée par les efforts conjoints de Gamal Abdel Nasser et du Président américain Eisenhower (deux soldats, bien sûr) en 1960 pour maintenir la paix à Gaza et pour empêcher les anciens pouvoirs colonialistes et Israël d’envahir l’Egypte pour reprendre le Canal de Suez.

Puis, dans les années 90, Boutros Boutros-Ghali fut le Secrétaire Général des Nations Unis. Aida Seif Ad-Dawla, quant à elle, est candidate au poste de Rapporteur des Nations Unis sur la torture. Les Egyptiens soutiennent depuis longtemps les lois internationales, les normes humanitaires et les droits humains. L’internationalisme égyptien insiste sur l’application des principes des Droits de l’Homme et des lois humanitaires en temps de guerre même contre les pressions des super-puissances.

Dans ce contexte, l’émergence d’ElBaradei comme leader est tout à fait compréhensible. Pourtant, la dimension internationaliste du soulèvement « local » égyptien est profondément ignorée par la plupart des commentateurs bien-pensants pour qui « international » signifie « l’Occident » et pour qui les manifestants égyptiens sont dirigés par une politique des tripes plutôt que par des principes.

Moubarak a perdu le pouvoir bien avant le 11 février.

Le nouveau cabinet est composé de chefs du Renseignement, de l’Armée de l’Air et de l’autorité pénitentiaire, ainsi que d’un dirigeant de l’Organisation Internationale du Travail. Ce groupe représente le coeur d’une « coalition pour la stabilité » qui va travailler pour réunir les intérêts d’une nouvelle armée et de la main d’oeuvre et du capital national tout en rassurant les Etats-Unis.
Oui, c’est un remaniement de cabinet, mais un remaniement qui reflète un important changement de direction politique. Mais rien de tout cela ne comptera comme transition démocratique tant qu’une vaste coalition de mouvements sociaux locaux et internationalistes égyptiens ne brisera pas ce cercle et n’imposera pas les termes et le programme d’une transition.

Je serais prêt à parier que les chefs du nouveau cabinet ne résisteront pas à la volonté des soulèvements populaires forts de cent millions d’Egyptiens.

A lire en complément :
> Moubarak est parti. Et après ?
> Tous les articles d’Owni sur l’Egypte
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Traduction : Damien Spleeters
Titre original : Why Moubarak is out
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Crédits photo, via Flickr : Par Guebara Graphics, [cc-by-nc-sa] : Affiche de Mubarak ; Par Hossam El-Hamalawy, [cc-by-nc-sa] : Camping place Tahrir, Siège du NDP, Tank sur Tahrir Sq. , Pancarte, Service Centraux de Sécurité , les travailleurs, Lazoughli Sq., ; Par United Nations Photo, [cc-by-nc-sa]Mohammed ElBaradei ,

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