La (très) bonne paye des dirigeants

Le 19 juillet 2010

Les dépenses de l'Élysée se sont assagies. C'est le message que fait passer la Cour des Comptes dans son rapport sorti le 13 juillet. Pourtant, les efforts réalisés masquent encore l'opacité des comptes publics et des rémunérations des élus.

Design Elsa Secco.

La Cour des Comptes a publié son rapport (pdf) sur le budget de l’Élysée le 13 juillet dernier. Après avoir révélé dans son précédent rapport que le Président avait dépensé 1,5 million d’euros en sondages, utilisé des fonds publics pour couvrir des dépenses privées et qu’il s’était abstenu de passer des appels d’offre, la Cour a été beaucoup plus clémente.

Qu’apprend-on dans cet audit ? Que le Président gagne un peu moins de 22.000 euros par mois. C’est 15 fois le salaire médian en France. Mais cela reste 30 fois moins que celui de son ami Martin Bouygues.

Le budget de l’Élysée dans son ensemble reste stable, aux alentours de 112 millions d’euros. À la différence d’autres ministères, les services du Président ont respecté quasiment à l’euro près les dotations qui leur étaient allouées dans la loi de finance initiale. Le différentiel n’est que de 0.2% en dessous des prévisions, quand les opérations extérieures du ministère de la Défense, par exemple, explosent tous les ans leur enveloppe de plus de 80%.

Sarkozy a-t-il enfin “réduit le train de vie de l’État”, comme il le prêche depuis plus de trois ans ? Après un départ en fanfare (à peine élu, il s’est augmenté de 172% et a triplé le budget de l’Élysée), il semble bien s’être calmé. Cela dit, il nous avait déjà fait le coup en 2007. Dans une interview au Point, sa directrice de cabinet assurait sans sourire que le Président payait « toutes ses dépenses personnelles de sa poche ». Deux ans plus tard, la Cour des Comptes révélait qu’il s’était servi dans la caisse à hauteur de 14.000 euros en 2008.

L’omniprésident n’est pas non plus le mieux payé au monde. Les contribuables français payent à peu près autant pour leur Président que leurs voisins Européens. Les Présidents allemands et italiens, aux pouvoirs nettement moins étendus, encaissent chaque année 210.000 euros et 226.000 euros, respectivement, contre 254.000 euros chez nous. Certains politiques européens n’hésitent pas à s’augmenter au moment où leurs administrés sont priés de se serrer la ceinture. C’est le cas d’Angela Merkel, qui vient de s’augmenter de 4.000 euros par an. A 190.000 euros par an, elle devait quand même se sentir très démunie face à notre Sarko et ses Rolex.

En Europe, les parlementaires semblent s’accorder pour offrir des salaires aux alentours de 20 000 euros par mois au haut de la pyramide de la fonction publique. Il faut dire que quand on rabote cette niche, les élus doivent chercher d’autres sources de revenus. Hamid Karzaï, le Président afghan, ne gagne que 400 euros par mois. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles il défend bec et ongles son frère Ahmed Wali, suspecté d’arrondir ses fins de mois en trafiquant armes et héroïne.

Le problème ne tient pas dans le montant de la rémunération du Président. Le combat à mener est celui de la transparence. En demandant cet audit de la Cour des Comptes, Nicolas Sarkozy est le Président qui donne le plus de détails sur les activités de ses services. Quand les budgets sont souvent exprimés en milliers, voire en millions, d’euros, l’Élysée publie ses comptes au centime près.

Malgré cette précision, les contribuables ne sont pas plus avancés sur ce qu’il advient de leurs impôts. Le rapport de la Cour des Comptes est considéré comme définitif, alors que le président de la Cour a été nommé par Sarkozy lui-même en février 2010 ! De la même manière, la Cour reste très opaque quand on demande des éclaircissements. Contacté vendredi par téléphone et par e-mail pour avoir des précisions quant à la ligne ‘autres dépenses’, qui augmente de 75% entre 2008 et 2009, le service com’ de la Cour reste silencieux.

Rien à voir avec le Royaume-Uni, par exemple, où les citoyens ont eu accès à l’ensemble des notes de frais de leurs députés. En France, une telle transparence serait impossible, étant donné que les élus ont droit à des enveloppes forfaitaires sur lesquelles ils n’ont pas à rendre de comptes. On peut auditer les institutions tant qu’on veut ; si les élus évoluent dans un système où l’impunité persiste, un rapport annuel ne les fera pas changer.

Image CC Flickr Great Beyond

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